Cher Jean-Louis Debré

Les retraites cumulées d’ancien ministre, président de l’Assemblée nationale et président du Conseil constitutionnel étaient sans doute trop chiches, tu as donc été contraint de trouver un nouveau job, comme tous ceux, à l’âge des cannes à pêche et de la pétanque, qui rempilent au turbin pour pouvoir se payer un abonnement à Prostate Magazine.

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Je déconne, Jean-Loulou, je sais bien que seule la motivation de ressembler à Roselyne Bachelot t’a conduit à accepter de devenir chroniqueur sur Europe 1 et, à partir d’octobre, animateur d’une émission sur Paris Première.

Après t’être cogné Giscard pendant tant d’années, je comprends que tu préfères la compagnie affriolante d’Alessandra Sublet, bien que la bande d’humoristes réunie autour de toi chaque après-midi n’arrive pas aux porte-chaussettes de Lionel Jospin et Michel Charasse.

Le RPR, canal historique

Libéré des obligations de retenue liées à ta fonction de sage, il faut dire que tu cultives désormais une image de mec cool, un peu langue de pute, qui circule sur les plateaux télé pour révéler aux masses assoupies que la politique est un panier de crabes et Sarkozy un fou dangereux. Ces portes ouvertes ainsi défoncées, on t’a donc proposé de rester, à 71 ans, pour tenter de nous faire marrer, et jouer au besoin les érudits de la chose républicaine.

Je t’ai écouté une ou deux fois sur Europe, je me suis autant bidonné qu’en lisant du Paul Claudel un jour d’abcès dentaire, mais peu importe, moi aussi je te trouve cool. Chirac, toi, Juppé, tout le RPR canal historique, comparés à la meute des Républicains, de Wauquiez à Estrosi, vous avez l’air hyper ouverts, tolérants, limite gauchistes pour tous ceux qui, un peu rouges sur les bords, ont également la mémoire des poissons de la même couleur.

Car, vois-tu, pendant que tu faisais ta rentrée de kéké des médias, on célébrait les 20 ans de l’évacuation des sans-papiers de l’église Saint-Bernard à Paris. Ça te dit quelque chose ou tu veux un petit rafraîchissement qui va plomber l’ambiance ?

“Avec humanité et cœur”

En 1996, Chirac était Président, Juppé Premier ministre et toi, gros blagueur, tu étais ministre de l’Intérieur. Il y avait là trois cents personnes, des Africains pour la plupart, des hommes mais aussi des femmes et des enfants, et j’ai comme l’impression qu’ils ne vous ont pas trouvés si cool que ça, les trois frères, quand tu as envoyé les flics sur ordre des deux autres pour les dégager comme des cafards de l’église où ils avaient trouvé refuge.

Ok, tu faisais déjà preuve à l’époque d’un humour noir qui pouvait plaire, surtout au FN, quand tu déclarais avoir agi “avec humanité et cœur” et que les images montraient en parallèle des CRS défonçant la porte du saint lieu à coups de bélier.

Ces indigènes confits d’ingratitude auraient dû te remercier, tiens, pour l’humanité et le cœur que tu auras mis à leur rentrer dans la gueule. Désolé pour ce petit rappel historique, mais il vaut aussi pour l’avenir, car la politique du gouvernement actuel est si dégueulasse vis-à-vis des migrants que Manuel Valls pourra gentiment prétendre, dans vingt ou trente ans, à un fauteuil aux Grosses Têtes.

Je t’embrasse pas, je n’en ai ni l’humanité ni le cœur.