… et à tous les casse-couilles chantants, les funambules du ridicule.
Depuis quelques jours, tu es toi aussi un réfugié. Réfugié dans le silence, dans la colère, dans ton culte de toi-même, baladin incompris, protest-singer humilié, Bob Dylalanne lynché en place numérique, car les “ronds de cuir” ont encore frappé. En cause, le clip pourtant fort émouvant illustrant ta chanson, Ouvrir son cœur, qui avait pour objet d’alerter le monde, l’univers aussi sans doute, face au drame des migrants.
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Ce clip, que tu as fini par retirer car certains clients devenaient aveugles, tu l’as pourtant fait avec ton cœur, ouvert comme il se doit. Et peut-être avec l’aide d’un migrant recruté au cul d’un cargo, qui découvrait dans un semi-coma psychédélique ton existence et celle des logiciels de trucage vidéo des années 80.
Imagine, Francisco, le sort de ces damnés de la terre des temps modernes. Ils traversent la Méditerranée au péril de leur vie, ils se font truander par des passeurs mafieux, coulent parfois en pleine mer dans l’indifférence générale, se font accueillir comme des pestiférés par les Italiens et les Grecs, refouler pire que des clébards par les Hongrois et les Polonais, deviennent les otages de populistes et des revirements de Merkel, et lorsqu’ils parviennent à trouver une couche pouilleuse en France, ils se font parfois dégager par l’ignoble Robert Ménard et ses malabars.
Tu te rends compte de la misère de ces pauvres gens ? Imagine si en plus ils tombent sur ton clip ? T’es payé par leurs adversaires pour les faire fuir ou quoi ? C’est du premier degré ces conneries ou tu comptes faire une demande d’asile au Groland ? Une demande d’asile tout court peut-être ?
Du grotesque continue à faire une œuvre
Entre Sardou qui débite dans tous les crachoirs sa théorie du complot islamiste – selon Michou, Daesh laisserait partir les migrants dans le but d’étouffer l’Europe économiquement, on reprend une Suze et on réfléchit à cette hypothèse – et toi qui fait dans l’humanitaire guimauve, cœur avec les doigts de l’homme et image du petit n’enfant mort, la réputation française en matière de chanson engagée en prend un sacré coup sur la cafetière.
Manquerait plus que Soan, Cali, Saez et Abd Al Malik ramènent leurs couplets et les réfugiés vont vraiment aller se réfugier en Angleterre. Ceci étant, mon Francis, tu nous fais tellement marrer qu’il est urgent de protéger l’espèce. Maintenant que Guy Béart est parti faire chier Gainsbourg pour l’éternité, vous n’êtes plus très nombreux, vous les casse-couilles chantants, les funambules du ridicule, les chansonniers vraiment très embarrassants.
Alors, ne t’arrête pas troubadour, continue de nous enchanter et d’interpeller nos égoïsmes avec des brûlots sur la crise du porc, le conflit des taxis, la réforme du collège et la fin de l’esprit Canal. Fais-en des opéras, des oratorios, des concept-albums… Du grotesque continue à faire une œuvre. De l’incontinence un continent. Où aucun réfugié ne sera jamais assez maso pour accoster.
Je t’embrasse pas, tu pourrais en faire un clip.
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