Natif de Grenade-sur-Adour, le secrétaire d’Etat chargé des transports entend renforcer la sécurité par tous les moyens.
Etant entendu qu’il est plus aisé de se souvenir du nom de tous les Pokémon que de celui des sous-ministres de ce gouvernement, j’ai appris comme beaucoup ton existence à l’occasion de l’affaire du Thalys. C’est l’un des charmes de l’été, vois-tu mon Alain, que cette découverte de l’inconnu, comme lorsque, à l’occasion d’une précédente canicule géronto-meurtrière, nous avions fait connaissance avec l’impayable Jean-François Mattéi.
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Comme lui, dans la précipitation improvisée d’une matinale où tu n’étais qu’à moitié réveillé, on t’a donc vu monter direct au créneau, en ta qualité de secrétaire d’Etat chargé des Transports, obligé d’apporter avec les croissants des solutions chocs pour enrayer le terrorisme ferroviaire qui commençait à faire salement flipper les citoyens lambda et Jean-Hugues Anglade.
Le remède, selon toi, consiste à renforcer dans l’urgence les contrôles aléatoires, au risque de pratiquer une sorte de discrimination au faciès, car, ce sont tes mots : “Je préfère qu’on discrimine effectivement pour être efficace plutôt que de rester spectateurs.” En même temps, pour quelqu’un né à Grenade-sur-l’Adour, je comprends que tu nourrisses une certaine paranoïa vis-à-vis des menaces explosives.
De là à sortir l’habituel arsenal de mesures Kalachnikov, comme au bon vieux temps vengeur de Sarkozy, dans le but d’éviter les tirs au mortier de la droite, il y a un fossé que tu t’es pourtant empressé de franchir.
Même les nuances apportées plus tard, à froid et par communiqué, où tu précisais : “Il n’a bien entendu jamais été question de prôner la moindre méthode discriminatoire”, n’ont pas dissipé ce sentiment de malaise.
Demain, donc, dans les halls des gares ou les couloirs du métro, des militaires en patrouille et des policiers en civil auront tout loisir de faire ouvrir leurs bagages à des petits vieux de la Drôme, à des familles paisibles du XVe arrondissement, à des touristes scandinaves ou à des abonnés de Valeurs actuelles. On a dit pas de discrimination, pas vrai Alain ?
D’ailleurs, la Ligue des droits de l’homme, le Mrap et SOS Racisme comptent sur ta fermeté et sur la mise en place de contrôleurs des contrôles, lesquels veilleront à l’impartialité de ces opérations de dissuasion.
Tu ne te foutrais pas un peu de notre gueule, Alain ? Et puis, au fait, on te connaît pas bien, mais t’es pas ministre de l’Intérieur, en quoi es-tu autorisé à faire l’annonce de ces mesures ? Quant à l’appel à la “vigilance” des citoyens en cas de comportement suspect, vu le nombre de délateurs anonymes qui grandit chaque jour dans ce pays détraqué, ça promet pour tous les bronzés à barbe qui s’aviseront de transporter une valise – fait exceptionnel et hautement suspicieux, surtout dans une gare !
Mais admettons, faisons l’expérience, Alain. Personne ne connaît vraiment ta tête de proviseur de LEP de province, tu devrais aller errer dans une station aux heures de pointe avec un étui à violon, le dernier Alexandre Jardin sous le bras et un sac Mephisto. Si tu te fais contrôler, sans rire, je te paie les trois saisons de Braquo en VHS.
Je t’embrasse pas, je suis incontrôlable.
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