Retour au bercail avec une besace de mesures sécuritaires pour celui qui s’est cru un temps passé à gauche.
L’année commence mal. On a perdu Boulez et Galabru mais on t’a surtout perdu toi, Alain, le seul espoir de la gauche en 2017. C’était vrai qu’en flirtant avec toi, le psychorigide de 1995, l’imminence grisâtre du RPR canal historique, on avait fait n’importe quoi, comme aurait dit le regretté Delpech, disparu lui aussi avant la galette des rois.
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Avec l’interview “coup de barre à droite, coup de massue à gauche” que tu as accordée au JDD, il ne subsiste plus beaucoup de doutes. Quant à ton dialogue avec Finkielkraut dans Le Point, qui ressemble au final à un dîner de convergents, il aura achevé de nous convaincre que tu t’es bien payé notre fiole. Adieu Juju le hipster, Mélenchauve, l’homme providentiel dans les bras duquel une partie des déchus du socialisme s’apprêtait à se calfeutrer.
Un retour d’acide violent
Je ne sais pas ce qui t’a pris, les huîtres du bassin d’Arcachon sont peut-être mal passées, mais j’ai l’impression qu’entre Noël et la Saint-Sylvestre t’as eu comme un retour d’acide violent, lequel a donné lieu à une prise de conscience subite que virer à gauche dans un pays si à droite, c’était pas l’idée du siècle.
On ne t’en veut pas, t’inquiète, on n’était pas amoureux. C’était du flan, juste un vague adultère qui nous aura au moins appris que la girouette girondine était une nouvelle position du Kamasutra politique qui fait seulement mal au cul de ceux qui croient encore aux vertus de l’échangisme.
Te voilà retourné au bercail, la besace remplie de mesures sécuritaires que tu détailles avec délectation dans ton nouveau livre-programme intitulé Pour un Etat fort. Suppression des réductions automatiques de peine, de certaines peines de substitution, rétablissement des peines plancher, durcissement du regroupement familial, suppression des allocations familiales aux parents d’enfants absentéistes, redéfinition de la légitime défense des forces de l’ordre, j’en passe et des plus raides, à croire que sur le “régalien”, tu te régales aux mêmes auges que ton rival taille basse de chez Les Républicains.
Plus de Funès que Pedro Winter
T’as réveillonné chez Wauquiez ou quoi ? Dans ton bouquin, il n’y en a que pour l’identité nationale, la patrie, le drapeau, avec un rappel remarqué sur ces fameuses “racines chrétiennes de la France” qui finissent toujours par faire monter la sève chez les vieilles branches, même les plus laïques.
Pour tenter de te rattraper à d’autres branches, celle de cette gauche-bobo qui t’avait refilé un peu trop vite la fève, tu as donné en parallèle une autre interview au magazine Society, qui ne t’a pas raté sur sa couverture, où tu ressembles plus à de Funès qu’à Pedro Winter.
“Lui président ?!”, ironisent nos confrères, sous-entendant qu’une telle perspective fait autant bander qu’imaginer le groupe de Raffarin en tête d’affiche à Coachella ou Balladur en duo avec Rihanna. Mon brave Alain, j’ai bien peur qu’en 2016 on ne s’amuse plus tellement en ta compagnie, et que la lecture de Pour un Etat fort (et ta sœur ?) constitue un bromure efficace pour ceux qui te prenaient il y a peu pour un héros. Cela aura duré “just for one day”, ou guère plus, comme aurait dit Bowie, qui a lui VRAIMENT passé l’arme à gauche.
Je t’embrasse pas, je te laisse à droite dans tes bottes.
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