Dans une lettre, le candidat à la présidentielle Jacques Cheminade met en demeure Google de ne plus associer son nom à des termes comme « secte » ou « extrême droite ». Dans une affaire similaire, la justice française avait déjà condamné le service de saisie semi-automatique Google Suggest qui, selon elle, peut entraîner « un effet boule de neige ».
En juillet dernier, nous évoquions la condamnation de la société Google Inc. et de son directeur de publication pour suggestion d’une expression injurieuse. En cause, le service de saisie semi-automatique Google Suggest qui associait le mot « escroc » au nom de l’entreprise plaignante.
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Aujourd’hui, c’est un candidat à la présidentielle un peu atypique qui met en demeure Google de régler un problème similaire. Jacques Cheminade, président du parti politique Solidarité et progrès, exige que son nom et celui de son parti ne soient plus associés « à des termes diffamatoires« , dixit un membre de son équipe de campagne.
Souvent boycotté par les médias en raison de rumeurs semblables à celles que la fonction Google Suggest suggère, Jacques Cheminade aurait, selon son entourage, déjà recueilli les 500 signatures d’élus nécessaires à sa candidature. Cet économiste de 70 ans se définit comme « un gaulliste de gauche ». Il rêve d’un monde sans dérives financières et spéculatives, incarnées à ses yeux par la City ou Wall Street. En 2007, il avait appelé à voter pour la socialiste Ségolène Royal.
Mardi 28 février, Jacques Cheminade a fait envoyer une missive à la firme de Mountainview. Le problème est assez simple. Quand vous entrez le nom de son parti « Solidarité et progrès » dans Google, la fonction « suggest » fait apparaitre le mot « secte » en première ou seconde position. Idem quand on tape « Cheminade e » : les mots « secte » ou « extrême droite » s’affichent.
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Autre exemple :
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Bertrand Buisson, responsable internet de la campagne du candidat, assure avoir essayé de signaler cet état de fait à Google dès janvier. Aucune réponse. Un avocat a donc été sollicité cette semaine pour mettre en demeure le géant du net d’agir.
Dans l’affaire précédente, Google avait adopté sa ligne de défense habituelle : impossible de reprocher à un algorithme d’orienter les internautes, puisque la tendance à associer tel nom à tel mot existe en dehors de toute intervention du moteur de recherche. Albéric Guigou, co-fondateur de Reputation Squad, entreprise proposant de gérer l’e-réputation de particuliers ou d’entreprises, nous donnait un exemple illustrant ce phénomène bien connu sur le Web :
« Quand des clients désirent utiliser les services d’une voyante dont les services et l’entreprise sont parfaitement légaux, par suspicion, nombre d’entre eux vont tout de même y ajouter le mot « arnaque » pour voir si des informations sont déjà sorties sur la voyante en question. A force de réactions similaires, le mot « arnaque » sera proposé par Google Suggest automatiquement lorsque d’autres internautes entreront le nom de la voyante. »
Dans sa décision datant du 18 mai 2011, la 17e chambre du Tribunal de Paris avait qualifié ce « mécanisme » d' »effet boule de neige » :
« L’item litigieux qui n’est nullement saisi par l’internaute mais apparaît spontanément à la saisie des premières lettres de sa recherche (…) est incontestablement de nature à orienter la curiosité (…) et ce faisant, de nature à provoquer un « effet boule de neige (…). »
Google avait donc été condamné pour suggestion d’injure publique envers la société lyonnaise plaignante. Condamnation confirmée en appel en décembre 2011. L’argument supplémentaire des juges était qu’une intervention humaine postérieure était tout à fait possible pour « rectifier les suggestions jusqu’alors proposées« . Google le fait déjà pour tout ce qui touche à la pornographie, la violence ou la contrefaçon de certains contenus.
Vieilles rumeurs
Selon Bertrand Buisson, les « rumeurs » concernant le candidat Cheminade ont commencé il y a longtemps.
« Depuis qu’il travaille avec Lyndon Larouche, économiste américain qui dénonce les réseaux financiers de la City ou de Wall Street, il a été fiché par le FBI. A l’époque c’était le « marxiste » ou « l’agent de Moscou ». Aujourd’hui, on entend aussi « l’homophobe, « le voleur de vieille dame », tous les maux de la terre en fait. L’idée étant de lui faire une réputation, comme en 1995, pour qu’on évite de travailler avec lui. »
Après la présidentielle de 1995, où il réalisa le score de 0,27%, son compte de campagne fut invalidé par le Conseil constitutionnel. Deux anciens membres du Conseil constitutionnel de l’époque, Jacques Robert et Maurice Faure, concédaient récemment dans l’une de nos enquêtes ne pas être fiers du traitement infligé à ce petit candidat. Honteux du cadeau fait à Balladur et Chirac, ils se seraient, en quelques sortes, rattrapés sur Cheminade.
Geoffrey Le Guilcher
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