Le réseau social a pour la première fois accepté de masquer des tweets qui plagiaient une blague d’une auteure américaine. Une décision qui pose la question du droit d’auteur sur Twitter et remet en cause le principe d’autorégulation du réseau social.
Les amateurs du copier-coller sont dans le viseur de Twitter. Le 25 juillet dernier, le réseau social a accepté de suspendre des tweets d’internautes qui avaient recopié une blague publiée par une auteure américaine, Olga Lexell (elle a depuis passé son compte Twitter en privé). « J’ai vu quelqu’un renverser par terre leur jus purifiant hors de prix et à présent je sais que Dieu est de mon côté », annonçait son tweet. Quelques heures plus tard, la jeune femme remarque que des internautes ont publié exactement le même. Elle décide de les signaler au réseau social :
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« J’ai simplement expliqué à Twitter qu’en tant qu’auteure freelance, je gagne ma vie en écrivant des blagues (et j’utilise certains de mes tweets pour tester des blagues que je ferai à d’autres endroits). Je leur ai donc expliqué que dans ce cas, les blagues sont une propriété intellectuelle qui m’appartient, et que les utilisateurs [qui les recopient] n’ont pas ma permission de les republier sans me créditer », a-t-elle expliqué dans un tweet, repris par The Verge.
L’écrivaine a indiqué au magazine américain que ce n’était pas la première fois qu’elle signalait des comptes qui réutilisaient ses blagues. Pour la première fois, Twitter a accepté de suspendre (et ainsi de les censurer en attente d’une décision) ces tweets, qui avaient usé du « copier-coller » sans faire référence à leur auteure. Comme le relève Le Figaro, une loi dite DMCA ne rend pas responsable les plateformes comme Facebook et Twitter des plagiats qui s’y déroulent, mais les oblige à réagir lorsqu’un utilisateur remplit un formulaire pour signaler ces contenus.
« Sur les blagues d’actu nazes comme ça, tu as souvent des similitudes »
Peut-on toutefois évaluer, dans tous les cas, la primeur et la paternité d’un tweet ? Il est parfois compliqué de juger l’intention derrière un gazouillis. Le 2 février 2015, une entreprise française qui recherchait un graphiste en CDI est épinglée pour avoir publié une offre d’emploi dans laquelle un des critères était « si possible pas juif ». Après quelques heures, des internautes ont l’idée de tweeter des blagues extrêmement similaires. Ils sont plusieurs, à quelques heures d’intervalle, à envoyer une déclinaison de cette phrase, en changeant « juif » par « GIF », un format d’image numérique.
Un des internautes qui s’est fendu d’une de ces blagues nous explique qu’il n’a pourtant pas copié le tweet d’un autre: « Honnêtement je n’en avais aucune idée, mais sur les blagues d’actu nazes comme ça, tu as souvent des similitudes. C’est la vie. » Il aurait ainsi été malvenu pour celui qui a tweeté ce format de blague en premier de demander à censurer les autres.
Exit, l’autorégulation ?
Et même si un tweet humoristique a été copié-collé mot pour mot par de nombreux internautes, il existe plusieurs outils qui permettent à n’importe qui de les repérer quasi immédiatement. Le plus simple : la barre de recherche de Twitter, qui permet de chercher des phrases entières. En 2012, une internaute connue pour ses gazouillis humoristiques avait ainsi remarqué combien de fois son tweet avait été recopié par des inconnus.
Je prends des bains à 40° et je lave mon linge à 30°. Alors pourquoi est-ce toujours mon jean qui rétrécit et jamais mon cul ?
— Jennifer Hart Wohoho (@Yooo_Mama_) 10 Octobre 2012
Plagiat ? Plagiat !!! https://t.co/93Xm2IsX — Jennifer Hart Wohoho (@Yooo_Mama_) 15 Octobre 2012
Trois ans plus tard, cette blague est d’ailleurs encore régulièrement reprise et partagée. Mais il suffit d’effectuer une recherche sur des bases de données comme Topsy pour savoir de qui elle provient. Comme tout le monde a accès à ces outils, l’autorégulation est ainsi souvent de mise sur Twitter, accompagnée de traditionnelles moqueries envers celui ou celle qui a plagié ladite blague.
Quand un twitto se fait prendre en plein plagiat. http://t.co/enOv633s #MaVieDeuxPointZero par @bertrand_k
— Tomme Blur (@TommeBlur) 15 Février 2013
L’épineuse question du droit d’auteur en ligne
Y a-t-il alors un véritable intérêt à demander la suppressions de blagues plagiées sur Twitter ? En premier lieu, il semble compliqué de parvenir à signaler toutes les reprises de tweets, au vu du nombre de robots qui pullulent sur le réseau social. Olga Lexell, l’écrivaine de Los Angeles, avait d’ailleurs confié à The Verge qu’elle ciblait principalement les « comptes de spam qui repostent des tonnes de blagues chaque jour ». Deuxièmement, le cas de Lexell, qui affirme gagner sa vie en écrivant des blagues, est marginal. La majorité des internautes qui utilisent le réseau social ne sont pas des auteurs qui vivent de leurs bons mots. La notion de droit d’auteur devient alors plus floue, même si la légitimité à se plaindre d’une reprise sans crédit est existante.
Quand 2 twittos se clashent pour un plagiat alors que la vanne a été faite 200 fois. pic.twitter.com/CqJTxuUlHn — Jean-Moundir (@supermegadrivin) 3 Juillet 2014
La loi française semble pourtant être du même avis que Twitter. En 2011, nous abordions l’épineux sujet en soulignant combien les humoristes et les médias réutilisaient sans vergogne les bons mots envoyés par des anonymes sur Twitter. « Reproduire une blague émanant de Twitter, sans citer son auteur, cela s’appelle de la contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit« , estimait alors maître Anthony Bem, avocat spécialiste des nouvelles technologies.
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