« Cabu, c’était la crème des grands dessinateurs.”
Beaucoup de mes amis de Charlie sont partis depuis longtemps, Gébé, Reiser, Cavanna. Le principal qui restait et que je pleure, c’est Cabu. Je connaissais moins les quatre autres. C’est dramatique, évidemment tout le monde le dit, mais c’est un bain de sang dégueulasse.
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Cabu, je l’ai connu en 1965, quand je suis rentré à Pilote où il travaillait déjà. Les relations que j’ai eues avec lui ont toujours été fabuleuses. Il était sympa, gentil. Sur le plan de la caricature et du dessin d’humour politique, c’est vraiment un des plus grands. Chacun de ses dessins me semblait fabuleux. En plus c’était un travailleur de force, il n’arrêtait pas. Je pensais, comme Goscinny, que ses caricatures de femmes étaient assez incroyables. Il prenait une très belle femme et il arrivait à faire sa caricature sans l’enlaidir. C’est rare.
Cabu, c’était la crème des grands dessinateurs. Il a toujours fait du dessin au trait mais il aurait très bien pu faire un virage vers l’illustration à base de couleurs, tout en restant dans la caricature politique par ailleurs. Il aurait pu illustrer des tas d’auteurs, d’humour ou pas. Il aurait pu illustrer magnifiquement Marcel Aymé par exemple. Mais il a choisi la voie de la caricature politique et c’est tant mieux – enfin tant pis maintenant malheureusement.
« De Cabu, j’aurais aimé apprendre son chic »
Après Pilote, on s’est rencontrés quelques fois. Notamment une, marquante : j’étais déjà à Fluide, Jérome Savary montait Superdupont au Théâtre de Béziers. Je passais un moment formidable aux répétitions à regarder les comédiens et j’ai demandé à mon collègue Jacques Diament, qui avait cofondé Fluide avec moi, de contacter Cabu pour lui payer le voyage pour qu’il vienne faire un reportage sur les répétitions.
C’est une des principales occasions que j’ai eues de le rencontrer d’assez près. De Cabu, j’aurais aimé apprendre son chic, son dessin rapide à la plume, à l’encre en noir et blanc… Intellectuellement, tout le journal Charlie, pas uniquement Cabu, m’a apporté des choses. Au moment où L’Hebdo Hara-Kiri, qui n’était donc pas encore Charlie, était interdit, pas mal de gars de Charlie ont rappliqué à Pilote, Gébé, Reiser… Cabu y était déjà.
Avant ce massacre, je n’avais que des bons souvenirs de la bande, mais maintenant, c’est d’une tristesse épouvantable. Il ne faut pas que j’oublie Wolinski bien sûr et Charb, qui travaillait de loin en loin à Fluide. Tignous travaillait aussi à Fluide de temps en temps. Mais c’est aussi important de parler de ce massacre sans mettre en avant des noms de vedette. C’est difficile à expliquer. C’est très dur de parler de ça.
Marcel Gotlib
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