“Gainsbourg, vu d’aujourd’hui” : que reste-t-il de ce génie postmoderne jamais égalé ? Au programme également : une interview fleuve du chanteur en 1989, l’histoire de Melody Nelson, Gainsbourg par Juliette Armanet, Beck ou encore Jane Birkin.
On s’en souvient comme si c’était hier. Ou plutôt avant-hier. Décédé le 2 mars 1991, il y a déjà trente ans, Serge Gainsbourg n’a pourtant jamais disparu des écrans ni des platines. Au point d’anticiper paradoxalement sa fin prématurée dans une interview post mortem à la fois mémorable, jouissive et irréelle, réalisée par le journaliste Bayon dix ans plus tôt et publiée par Libération le 4 mars 1991.
En novembre 1989, Serge Gainsbourg nous accordait cette interview où il se livrait totalement. De son enfance à son éducation esthétique et sentimentale, de ses rencontres romanesques à son statut de poète maudit puis d’artiste surmédiatisé. Des pleins et des déliés.
Lassé de distribuer les sucettes musicales et désormais monogame après sa rencontre avec Birkin, Gainsbourg aborde la décennie 1970 par un virage brutal. Avec “Histoire de Melody Nelson”, variation tragique et mystique autour du thème de “Lolita”, il réussit avec Jean-Claude Vannier une œuvre absolue, alliance empoisonnée entre pop et avant-garde.
De Serge Gainsbourg, on connaît ses textes extraordinaires, ses mélodies fabuleuses, ses inventions multiples, ses différents visages, mais moins l’interprète si touchant. Aujourd’hui, quand je songe à Gainsbourg, je me souviens de cette vidéo mythique où on le voit chanter Parce que de Charles Aznavour, dans l’émission Le Jeu de la vérité [le 7 juin 1985]. Son interprétation me bouleverse littéralement. Je trouve d’ailleurs que le titre de l’émission de Patrick Sabatier correspond assez bien à la personnalité de Gainsbourg.
Indissociable de la vie et de la carrière de Serge Gainsbourg, Jane Birkin pose un regard tendre, nostalgique et toujours éclairant sur l’homme aux trois G.
Compositeur de l’album IRMpour Charlotte Gainsbourg, Beck regrette que les Américain es n’aient jamais vraiment su parler de la musique de Serge Gainsbourg autrement que d’un croisement entre Dylan et Sinatra.
Attiré par les jeunes femmes, célèbre pour les frasques alcoolisées de son double maléfique Gainsbarre et auteur d’une œuvre hantée par la misogynie, Serge Gainsbourg et le parfum de scandale qui l’accompagnait où qu’il aille semblent en totale inadéquation avec une époque qui condamne enfin des pratiques hier encore tolérées. Comment envisager Gainsbourg à l’aune de la cancel culture ?