Les livres de Wallraff et d’Aubenas relancent le débat sur la pertinence du journalisme d’immersion.
En publiant Le Quai de Ouistreham, Florence Aubenas a rouvert le débat autour du journalisme d’immersion et conduit à nous interroger sur cette pratique qui remonte aux origines de la presse. Le passionnant billet de Marc Mentré sur le site Media Trend présente les enjeux éthiques. Florence Aubenas place ses pas dans ceux de George Orwell, qui avait mené une enquête sur la vie des mineurs anglais dans son livre The Road to Wigan Pier, en français Le Quai de Wigan. Mais Marc Mentré souligne une différence de taille : Orwell y mène une enquête sur la vie des mineurs anglais, mais lui ne se dissimule pas.
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Le principe de la dissimulation a été également utilisé par le journaliste allemand Günther Wallraff qui se grimera en Turc dans l’Allemagne des années 1980, ce qu’il raconte dans son livre, Tête de turc. Il récidivera en 2009 avec le film Noir sur Blanc, dans lequel il se glisse dans la peau d’un Somalien qui tente de s’intégrer dans son pays d’accueil et plus récemment avec un livre sur la pauvreté, Parmi les perdants du meilleur des mondes.
Plus près de nous, la démarche de Florence Aubenas évoque celle de la journaliste Anne Tristan, qui avait mené plusieurs expériences d’infiltration dans les années 1980. Elle avait ainsi pris sa carte au FN pour écrire son livre Au Front. Puis, alors en empathie et ne se dissimulant pas, était partie vivre parmi les indépendantistes kanaks en Nouvelle- Calédonie pour son livre L’Autre Monde, un passage en Kanaky. Elle revient sur ces expériences dans un bel entretien donné à la revue Vacarme.
Une pratique controversée
Immersion ou infiltration sont pourtant l’objet de controverses fréquentes. D’abord la question de l’honnêteté : le journaliste a-t-il le droit d’enquêter sans révéler sa fonction ? Ce débat a été abordé durant la diffusion de l’émission Les Infiltrés par France 2. Un article de Fluctuat retrace la polémique.
La médiatisation de Florence Aubenas a poussé certains commentateurs à émettre des réserves. Ne risque-t-on pas d’éclipser le débat sur les conditions de vie des précaires ? C’est en tout cas la question que soulève un article du site Acrimed. Comme le rappelle Henri Maler, son auteur, il ne faudrait pas oublier les associations qui luttent depuis longtemps contre la précarité : l’Anpec, AC ! Agir contre le chômage.
Des sociologues ont aussi étudié la question, comme Anne et Marine Rambach, dont le livre Les Intellos précaires a fait date et qui ont montré que des professions jusque-là préservées se sont précarisées. La journaliste Elsa Fayner, qui travaille sur ce thème, avait aussi fait paraître un livre où elle se livrait au même type de démarche que Florence Aubenas. Sans compter que de nombreux précaires ont aussi fait preuve de leur expérience, comme Anna Sam, qui a raconté son quotidien de caissière dans un blog devenu un livre.
Photo : badbwoy4lyf/Flickr
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