En censurant une page Wikipedia, la DCRI a déclenché l’effet Streisand. Elle n’est pas la première et ne sera surement pas la dernière. Explications.
Le site de la station hertzienne militaire de Pierre-sur-Haute est en passe de devenir célèbre depuis que sa page Wikipédia a été supprimée par un contributeur bénévole de l’encyclopédie en ligne, sur ordre de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI). Tout commence début mars, quand la DCRI contacte Wikimédia (l’organisme qui héberge Wikipédia) pour demander le retrait d’un article qui porterait atteinte à la sécurité nationale. Mais, après examen, Wikimédia ne juge pas le retrait nécessaire. Le 4 avril, la DCRI convoque donc un contributeur bénévole et le contraint à supprimer l’article incriminé. L’affaire aurait pu passer inaperçue ou presque mais c’était sans compter la magie du Web et de son effet boule de neige qui, parfois, prend le nom d' »effet Streisand ».
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Selon la page Wikipédia – qu’il convient tout de même ici de citer- qui lui est consacrée, l’effet Streisand « est un phénomène Internet qui se manifeste par l’augmentation considérable de la diffusion d’informations ou de documents par le simple fait d’avoir été l’objet d’une tentative de retrait ou de censure« . En gros, en supprimant l’article, la DCRI a attiré l’attention des internautes, qui l’ont reconstitué, republié sur le site de l’encyclopédie et même traduit en plusieurs langues. Dans le même temps, l’affaire étant relayée par les médias, le nombre de vues sur la page ne cesse d’augmenter à une vitesse considérable. Tout le monde veut voir l’article qui fait le buzz avant qu’il ne disparaisse à nouveau ou simplement pour comprendre ce que la DCRI peut bien lui reprocher.
Mais, la DCRI n’est pas la première victime de l’effet Streisand, loin de là. En voici cinq autres:
1) Barbra Streisand et la photo de sa maison
Commençons par l’histoire qui a donné son nom au phénomène. En 2003, le photographe américain Kenneth Adelman publie sur le site California Coastline une photographie de la maison de Malibu de Barbra Streisand. Il a pris le cliché par hasard alors qu’il photographiait la côté dans le cadre d’un projet écolo. Ni une ni deux, la célèbre chanteuse et actrice (n’oublions pas la rom’com’ Nos plus belles années de Sidney Pollack) porte plainte. Mais est déboutée car Adleman n’est pas un paparazzi. La photographie (qui n’a par ailleurs aucun intérêt) est vue des milliers de fois.
2) Beyoncé et ses grimaces au Superbowl
Proche de Baracko et de Michelle, mariée à Jay-Z, sacrée reine du r’n’b, maman d’une petite fille: au début de l’année, Queen B surfe sur la vague. D’autant plus qu’elle a été choisie pour chanter au Super Bowl. Mais, si sa prestation est réussie, certaines photos, publiées sur Buzzfeed, le sont moins. On y voit Beyoncé en plein effort, grimaçante, les muscles saillant de toutes parts. En bonne control-freak, la chanteuse tente de faire retirer ces clichés du Web. C’est sans compter l’effet Streisand. A peine l’information est-elle relayée que les photos sont publiées sur tous les sites d’information, postés sur Facebook et Twitter à tour de bras et donc vues des milliers de fois.
3) La Scientologie et Tom Cruise
Vous vous rappelez de la vidéo de Tom Cruise ? Non, pas celle où il saute sur le canapé d’Oprah Winfrey, mais celle où il déclare sa flamme à l’Eglise de la Scientologie de manière un poil fanatique.
http://www.youtube.com/watch?v=UFBZ_uAbxS0
Le hic : la vidéo était censée circuler uniquement en interne. Les dirigeants de l’Eglise exigent donc son retrait au nom du droit d’auteur. Mais l’affaire a déjà attiré l’attention d’un groupe encore peu connu, baptisé Anonymous, qui décide de donner une bonne leçon à la Scientologie histoire de lui apprendre à respecter la liberté d’échanges sur Internet. Les hacktivistes lancent des attaques contre les sites de l’Eglise et défilent dans la rue. Effet Streisand est assuré.
4) Martha Payne et la cantine
En 2012, Martha Payne, une petite fille britannique habitant à Argyll et Bute en Ecosse, ouvre un blog sur lequel elle s’amuse à poster des photos des repas qu’on lui sert à la cantine, assortis de notes sur 10 et de commentaires, généralement plutôt négatifs. Une initiative rapportée dans un article de la presse locale intitulé « Il est temps de virer les femmes chargées de la cantine »… qui ne fait pas du tout rire le personnel de la dite cantine, qui craint de perdre son emploi. La municipalité d’Argyll et Bute décide alors d’interdire le blog de Martha. Mais, oups, ils avaient du oublier le fameux effet Streisand. L’histoire fait les choux gras des journaux et attendrit à peu près tout le monde, conduisant la municipalité à faire marche arrière, et a autorisé à nouveau le blog de Martha. Entre temps, la petite fille et son blog, qui visait à collecter des fonds pour une association luttant contre la faim dans le monde, sont devenus célèbres. Tant et si bien qu’une femme habitant Leicester, inspirée par Martha, a décidé, fin 2012, d’aider à son tour son prochain et de donner £100 000 à une école du Malawi.
5) Boris Boillon et son maillot de bain
Vous vous souvenez de l’affaire du maillot de bain de Boris Boillon, ancien ambassadeur de France en Tunisie ? Comment oublier qu’en 2011, en plein Printemps arabe, l’attention médiatique a été quelque peu détournée par un cliché publié sur le site Copains d’avant montrant Boris Boillon moulé dans un maillot de bain. Le diplomate essaye immédiatement de l’interdire, mais la photo est reprise dans tous les médias, et même brandie par Marine Le Pen sur le plateau d’I>Télé. Boillon ne décolère pas et menace quiconque la publierait de poursuites pour atteintes à la vie privée. Dans le doute, on ne la republiera donc pas.
Et on ne vous parle pas de Ralph Lauren et de sa photo de mannequin trop retouché, de Wikileaks et de ses sites-miroirs, ni de la fausse pub pour Kit Kat tournée par Greenpeace pour alerter sur l’utilisation d’huile de palme chez Nestlé .
Morale : Internet n’oublie jamais.
{"type":"Banniere-Basse"}