La candidate à la présidentielle de Lutte Ouvrière, Nathalie Arthaud, tenait un meeting national ce dimanche 26 mars à Aubervilliers, avec en guest-star Arlette Laguiller. On s’est immiscé dans la foule des « communistes révolutionnaires ».
« Travailleuses, travailleurs ». Une fois de plus, l’adresse introductive culte des discours politiques d’Arlette Laguiller a résonné lors d’un grand meeting de Lutte Ouvrière (LO), à Aubervilliers, ce 26 mars. La militante de 77 ans, porte-parole du mouvement trotskiste et candidate à six reprises à l’élection présidentielle entre 1974 et 2007, est venue apporter son soutien à Nathalie Arthaud, candidate « communiste révolutionnaire » pour la deuxième fois à la présidentielle, dans la salle comble des Docks d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) – qui contient 3500 places selon l’organisation.
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A son arrivée, après les prises de parole de plusieurs responsables de LO, l’applaudimètre a explosé, et les drapeaux rouges se sont levés en masse. Preuve que dix ans après sa dernière candidature, celle qui avait réuni 5,30% des voix en 1995, et 5,72% des voix en 2002, demeure la figure tutélaire du parti. Une géante à côté de son héritière, qui avait difficilement surnagé avec 0,56% des voix en 2012.
Arlette en renfort
Au cours de son allocution, Arlette Laguiller a balayé d’un revers de main ce souvenir cuisant :
« Nous avons connu des scores variables, de 5% à 0,5%. Et alors ? Ce sont entre 200 000 et 1,6 million de personnes qui ont choisi au moins une fois dans leur vie de voter pour des communistes révolutionnaires. Cela a permis que ne disparaisse pas la petite étincelle qui, si elle s’enflamme un jour, mettra le feu à la plaine! »
Elle a surtout affirmé son soutien à Nathalie Arthaud, cette enseignante de 47 ans qui a pris la relève pour « faire entendre le camp des travailleurs ».
Revenant sur sa propre expérience en tant que « femme et travailleuse » candidate à la présidentielle, elle s’est dite « fière que nous ayons désigné une femme pour défendre les intérêts du camp des travailleurs » :
« En 1974, nous étions la première organisation à avoir le courage de présenter une femme, et une travailleuse, à la présidentielle. […] Je disais : ‘Je suis une femme, et j’ose me présenter à cette République d’hommes’. Ma candidature suscita le mépris. En 1976, le général Bigeard, ex-chef militaire et ministre de Giscard, proposa de me marier à un parachutiste pour me calmer. […] Pour nous, l’égalité hommes-femmes est un fait, une évidence, et je suis fière que nous ayons désigné une femme pour défendre les intérêts du camp des travailleurs. »
Mélenchon, ce « Mitterrand au petit pied »
Le discours de l’ancienne employée de banque s’est ensuite focalisé sur le PCF, l’ennemi historique des trotskistes, auquel elle reproche d’avoir « abandonné toute perspective communiste » depuis des décennies.
« Avant 1968, quand on venait à la porte des entreprises pour distribuer nos tracts, on se faisait traiter d’hitléro-trotskistes, et on prenait parfois des coups. Maintenant nous sommes seuls devant les usines », a-t-elle observé.
Profitant de la réticence de certains militants communistes à soutenir Jean-Luc Mélenchon, elle leur a lancé un appel à rejoindre les électeurs de LO, pour être « fidèles à leurs convictions profondes, plutôt qu’à une direction erratique » :
« L’affaiblissement du PCF est dû à la politique de sa direction. Je dis aux militants du PC que s’ils ne veulent pas voter pour un Mitterrand au petit pied, ils doivent voter pour Nathalie Arthaud, qui lève bien haut le drapeau du communisme ».
Après avoir cité les référents historiques du mouvement trotskiste – Marx, Engels, Rosa Luxembourg, Lénine et Trotski – et conclu que « la société capitaliste ne peut pas être notre avenir », l’égérie de l’extrême gauche a été saluée par une standing-ovation, avant de laisser le pupitre à Nathalie Arthaud.
« Lever le drapeau de la conscience de classe et des luttes collectives »
Les mots d’ordre repris en cœur par la foule des militants très disciplinés de LO, dont certains arboraient fièrement l’étoile rouge, résument bien ses intentions : « C’est la grève, la force des travailleurs! », « Interdiction des licenciements ! », « 1800 euros, c’est le minimum ! ». Pour la candidate, l’élection présidentielle est avant tout un outil non pas pour accéder à l’Elysée, mais pour « lever le drapeau de la conscience de classe et des luttes collectives ».
Dans la continuité des mouvements d’extrême gauche depuis Mai 68, elle ne présente en effet pas un programme de mesures clé en main, à exécuter une fois au pouvoir, mais « des objectifs de lutte qui ne sont possibles que par la levée en masse des travailleurs ».
Face aux militants galvanisés sous les néons rouges de circonstance de la salle, elle s’en est prise aux cinq candidats en tête dans les sondages. Macron et ses « deux lois anti-ouvrières » (la loi Macron qui étend le travail le dimanche, et la loi El-Khomri), Hamon et son « discours du Bourget remixé », Mélenchon qui « sème de graves illusions sur le système capitaliste »…
« Ne vote pas contre les immigrés qui sont tes frères de classe ! »
Le ton de la candidate s’est durci lorsqu’il s’est agi de Marine Le Pen, qui prétend depuis les élections intermédiaires être le « premier parti ouvrier de France ». Nathalie Arthaud en est bien consciente, mais elle lance cet appel :
« Au copain de boulot, au voisin tenté par Le Pen, je dis : ‘Laisse ce vote aux bourgeois du XVIe, aux policiers racistes, aux nostalgiques de l’Algérie française, aux nazillons mal vieillis ! Ne vote pas contre les immigrés qui sont tes frères de classe ! »
« Nous n’avons pas encore de parti à opposer à la bourgeoisie »
Prenant en compte la situation globale et le recul du vote en faveur de l’extrême gauche ces dernières années, Nathalie Arthaud a déclaré avec humilité et un brin de fatalisme :
« Nous n’avons pas encore de parti à opposer à la bourgeoisie. Il n’y a plus de parti ouvrier digne de ce nom. Il faut mener le combat tous les jours. […] Voter, ce n’est pas encore construire un parti, mais cela y participe, et de mouvements de grève en manifestations, c’est possible ».
Il y a cinq ans, 200 000 électeurs avaient voté pour Nathalie Arthaud, qui veut croire que dans les mouvements sociaux, ce petit nombre peut avoir de grands effets. « Le parti se renforce en s’épurant », défendait Lénine… dont LO se revendique encore.
Toutes les photos sont de Vincent Gerbet.
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