Une nouvelle proposition de loi sécuritaire, en examen au parlement, prévoit de sanctionner la diffusion d’images non floutées de policiers.
Gérald Darmanin l’avait promis aux policiers lors du congrès de l’Unsa Police, en septembre : il ferait interdire la diffusion d’images de policiers dans l’exercice de leurs fonctions si leurs visages ne sont pas floutés. “Personne ne pourra empêcher les gens de filmer, mais je retiens l’idée d’obliger les télés et les réseaux sociaux à ne pas diffuser les images des visages des policiers, mais de les flouter”, avait-il alors déclaré.
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C’est précisément ce qui est à l’étude au parlement, dans la nouvelle proposition de loi “sécurité globale”, dont le troisième volet porte sur la protection des fonctionnaires de police et militaires (comme le rapporte LCP, la proposition vient de franchir l’étape de la commission des lois, avant d’être examinée en séance publique à la mi-novembre, ndlr). L’article 24, qui porte entre autres sur la captation d’images lors des opérations de maintien de l’ordre, a déclenché un tollé. En cas d’adoption de ce projet de loi, le fait “de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police” sera puni d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende.
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#CettePhotoNexisteraPlus
Exit, donc, les vidéos de journalistes et de citoyens témoignant des opérations de maintien de l’ordre, et dans certains cas, de dérives graves. De nombreuses personnes ont réagi vigoureusement à ce texte sur les réseaux sociaux, notamment avec les hashtags #CettePhotoNexisteraPlus et #LiberteDinformerEnDanger. Plus de 570 000 personnes ont d’ores et déjà signé une pétition : “Si cette loi est votée, l’impunité de la police ne sera que plus grande. Nous nous devons d’empêcher ceci, pour toutes les victimes de la police mais pour toutes celles et ceux qui en seront victimes. Ne les laissons pas faire barrière à nos libertés fondamentales”, déclarent les signataires.
Avec la nouvelle loi et la restriction de la presse qui va nous obliger à flouter la police
#CettePhotoNexisteraPlus #LiberteDinformerEnDanger pic.twitter.com/XpWRgk5DEw— NnoMan 💣 (@NnoMan1) November 2, 2020
David Dufresne, réalisateur du film Un Pays qui se tient sage, sur les violences policières, a recueilli plusieurs témoignages qui montrent tout ce qui a été possible grâce à ces images. Par exemple, les vidéos de l’interpellation de Cédric Chouviat, décédé dans la foulée, le 3 janvier 2020, ou celles de la militante niçoise Geneviève Legay, grièvement blessée suite à une charge des forces de l’ordre le 23 mars 2019, ne seraient plus possibles. De même que la diffusion en direct d’images des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux.
#GenevièveLegay 73 ans à #Nice
Victime de #ViolencesPolicières lors de l’#Acte19 des #GiletsJaunes
Nouvel angle, de #cnews pourtant !!
On y voit bien le policier la pousser avec son #GiletJaune a la main 🤔#CastanerDemission #MacronDemission #Attac_fr pic.twitter.com/cJb5Hb5P8e— Lorentz mathias (@LorentzMathias) March 26, 2019
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“Une atteinte grave à la liberté d’informer”
La Défenseure des droits, Claire Hédon, s’est dite “particulièrement préoccupée”, ce 3 novembre, par cette partie du projet de loi, qui ne doit pas “entraver ni la liberté de la presse, ni le droit à l’information”. “L’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique”, rappelle-t-elle. Reporters Sans Frontières juge aussi le texte “dangereux” en l’état.
La députée LRM Alice Thourot, qui porte ce projet de loi avec Jean-Michel Fauvergue, affirme que cette disposition vise des cas où des fonctionnaires ont été identifiés sur des vidéos et menacés ensuite dans leur vie privée. Or, comme nous l’expliquait il y a peu l’avocat Arié Alimi, “cette loi, si elle devait passer, constituerait une atteinte grave à la liberté d’informer. Elle entraînerait tout simplement, en pratique, l’arrêt des diffusions en direct des opérations policières et la disparition de la spontanéité journalistique”.
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