Pendant plus de 2h30, Emmanuel Macron a répondu aux questions incisives de Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel. Un dispositif exceptionnel pour faire le bilan de sa première année à l’Elysée.
C’est une interview (vraiment) sans concessions à laquelle s’est plié Emmanuel Macron ce 15 avril. En direct sur RMC/BFMTV et Mediapart Live, le président de la République a répondu pendant plus de deux heures et demi – alors que l’entretien devait durer deux heures initialement – aux questions de Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel. Frappes en Syrie, évacuation musclée de Notre-Dame-des-Landes, réforme ferroviaire, manques de moyens dans les Ehpad et les hôpitaux, réformes fiscales, loi asile et immigration, Plan étudiant dans les universités… Sur tous ces sujets, le chef de l’Etat s’est exprimé longuement, et ses interlocuteurs ne lui ont épargné aucun reproche. Voici ce qu’on peut en retenir.
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La Syrie
L’entretien a commencé par une question sur les frappes françaises en Syrie, avec l’Angleterre et les Etats-Unis, qui ont ciblé des sites fabriquant des armes chimiques près de Damas. Emmanuel Macron a défendu l’“indépendance” de la France et salué le professionnalisme de l’armée. “de façon légitime dans le cadre multilatéral. […] C’est la communauté internationale qui est intervenue”, a-t-il déclaré, soulignant qu’il disposait de preuves de la fabrications d’armes chimiques, sans s’étendre dessus. Edwy Plenel lui a fait remarquer qu’il pouvait être jugé antidémocratique ou “archaïque” que le président puisse décider de cela sans consulter le Parlement : “D’abord, je ne parlerai pas d’un pouvoir solitaire, mais d’une responsabilité décidée par notre Constitution, votée par le peuple française”, a répondu M. Macron.
Dans le même ton, Jean-Jacques Bourdin a posé une question cash au président : “Est-ce que vous n’êtes pas dans une illusion puérile de toute-puissance ?”…
#Bourdin pose LA question de la soirée 😎 "Emmanuel #Macron, est-ce que vous n'êtes pas dans une illusion puérile de toute-puissance ?" ⚡🔥 #MacronBFMTV pic.twitter.com/6Ri94XU8b8
— Nils Wilcke (@paul_denton) April 15, 2018
La colère sociale
Au moment d’aborder la contestation sociale qui monte dans différents secteurs – cheminots, étudiants, enseignants, personnels soignants, postiers, fonctionnaire, zadistes, etc. -, Emmanuel Macron a reproché à Edwy Plenel d’essayer de faire se « coaguler » ces luttes éparses, qui n’ont selon lui rien en commun car elles ont des causes différentes. A propos des blocages dans les universités, le président a maintenu qu’ils étaient le fait de « professionnels du désordre » : “Dans toutes les universités ou des amphis sont paralysés, avec des violences parfois, les étudiants sont bien souvent minoritaires. Ce sont des groupes dont j’ai dit qu’ils sont des professionnels du désordre, qui mènent un projet politique, dont la finalité est le désordre”. Comme l’a fait remarquer Edwy Plenel, voilà une façon bien à lui de commémorer Mai 68.
Sur la SNCF, il affirme qu’il ira jusqu’au bout de la réforme et que l’Etat “reprendra progressivement la dette” de l’entreprise à partir de 2020, une fois réformée. Et d’ajouter : “Je ne crois pas à la politique de la place de grève”.
Sur Notre-Dame-des-Landes enfin, il a soutenu les 2 500 gendarmes envoyés sur place et s’est indigné des violences dont ils ont fait l’objet. La colère des occupants est « illégitime » selon lui, et ils seront évacués jusqu’au dernier à partir du 23 avril : “Il y a une décision qui a été prise (…), vous me parlez d’une colère aujourd’hui mais la colère de qui ? De gens qui depuis des années bloquaient un endroit où on faisait construire un aéroport qu’on ne construit pas et qui aujourd’hui viennent continuer à protester ?”
“La tyrannie des minorités”
Pour critiquer certains mouvement sociaux opposés à ses réformes, Emmanuel Macron a utilisé une rhétorique de l’ordre en tançant la « tyrannie des minorités » qui entrave l’union du pays à laquelle il dit aspirer : « On ne l’unira pas par l’inaction, en cédant à la tyrannie de minorités qui se sont habituées à ce que l’on cède”. Ironiquement, interrogé sur l’identité de ces minorité, Adrien Quatennens, député LFI, a déclaré qu’il voulait parler « des riches » :
– A votre avis, Adrien Quatennens, de qui parle Emmanuel Macron quand il dit « cette minorité qui s’est habituée à ce qu’on lui cède tout » ?
– Des riches, Monsieur ! #MacronBFMTV— Adrien Quatennens (@AQuatennens) April 15, 2018
C’était en effet un autre sujet de cet entretien : les réformes fiscales faites par Emmanuel Macron, qui constituent autant d’allègements d’impôts pour les plus riches – notamment avec la suppression de l’ISF. Il avait d’ailleurs eu ce lapsus, pour se défendre du terme de « président des riches » qui lui colle à la peau : « Les riches n’ont pas besoin d’un président!« . Or il assume ses réformes : “J’assume totalement les gestes fiscaux qui ont été faits sur l’ISF lorsque l’argent est réinvesti dans l’économie. […] Le but est [aussi] de garder les talents et de les attirer [en France]. Je veux qu’[en France] on puisse travailler et être encouragé dans le travail.”
La “peur de l’islam”
Enfin, la question de la laïcité a été abordée par le prisme de l’islam et de la « peur » qu’elle suscite selon Jean-Jacques Bourdin. Alors qu’Emmanuel Macron a fait un discours assez critiqué à la conférence des évêques de France, où il a invité les catholiques à « s’engager politiquement« , on peut regretter qu’aucune question ne lui ait été posée sur ce sujet. Il a en revanche déclaré que le voile n’était « pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays, au rapport qu’il y a entre les hommes et les femmes« .
Enfin, sur la tentation de la radicalité religieuse, en particulier djihadiste, qui touche une minorité de la jeunesse, il déclare : “Nous avons aujourd’hui des femmes et des hommes qui, au nom de l’islam, proposent de sortir de la République. La seule manière d’y répondre, c’est d’interdire leur activité et de remettre de la République. D’avoir un meilleur contrôle des écoles lorsqu’elles ne sont pas conformes aux valeurs de la République et de la laïcité.”
Au terme de ce débat de haute qualité, qui a permis au président de la République de se défendre des griefs qui lui sont faits, et d’expliquer ses réformes, il a accepté l’invitation d’Edwy Plenel à un autre débat de la sorte l’année prochaine.
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