Le dernier numéro de l’hebdomadaire Newsweek rappelle l’ambiance misogyne qui règne sur le creuset américain de la technologie. Mises à l’écart, dévaluées ou hyper-sexualisées, les informaticiennes les plus brillantes n’ont toujours pas le même impact que leurs homologues masculins Mark Zuckerberg, Bill Gates et Larry Page.
« Parce qu’elles n’ont pas de pénis. » Cette explication avancée par Newsweek a le mérite d’être franche. L’histoire de Lauren Mosenthal et Eileen Carey n’échappe pas à la règle. Âgées d’une vingtaine d’années, ces deux programmeuses informatique, fondatrices de Glass Breakers, sont arrivées dans la Silicon Valley avec leur lot de rêves, d’ambitions, et leur projet de start-up tout frais. Après des mois passés à se serrer la ceinture et à toquer à toutes les portes, elles obtiennent enfin un financement, bien maigre, pour le lancement de leur start-up, de la part d’un investisseur qui n’est autre… qu’une femme. Là où des hommes pourraient obtenir de la part des investisseurs des sommes à six ou sept chiffres.
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Entretiens gang-bang devant des geeks en jean-T-shirt
Pourtant, Lauren et Eileen s’étaient parfaitement bien intégrées et habituées à la « communauté « bro » » de la Silicon Valley, à la misogynie ambiante et au portrait aussi incurable qu’infatué du parfait « génie » de ce melting-pot informatique : « Geek, jean et T-shirt, tantôt un chandail à capuche, tantôt rasé de près, qui a souvent arrêté l’université parce qu’il code depuis la puberté dans la cave de ses parents, eux-mêmes issus de la classe moyenne. »
Les dérapages concernant le sempiternel machisme de la Silicon Valley n’ont pas manqué ces dernières années, comme le rappelle la journaliste de Newsweek : il y avait ces « entretiens gang-bang« cités par le dirigeant Van Horn, « un recrutement conçu pour attirer les filles les plus chaudes sur le campus », ou ces photos d’étudiantes en bikini envoyées au PDG pour retenir leur attention. La finesse du PDG de la start-up Kanteron, il y un an, n’avait pas non plus manqué à l’appel, comme en témoigne ce tweet : « Cet événement est supposé être pour les entrepreneurs, mais ces talons hauts… WTF ? #cerveaunonnécessaire »
Event supposed to be for entrepreneurs, VCs, but these heels (I’ve seen several like this)… WTF? #brainsnotrequired pic.twitter.com/Z1vBKxlLzo
— Jorge Cortell (@jorgecortell) 22 Octobre 2013
// Des exemples trop rares de femmes puissantes
Et pourtant, des femmes importantes, au cœur de la Silicon Valley, il y en a. Newsweek cite les exemples de Meg Whitman (eBay), Sheryl Sandberg (Facebook) ou Marissa Meyer (Yahoo!). Mais les autres ? Elles sont invisibles. En 2013, selon Le Monde, la catégorie « développeurs » accordait un cinquième des postes seulement à des femmes, tandis que les employés masculins représentaient 75 % des métiers technologiques. La journaliste compare également la culture de la Silicon Valley au film Le Loup de Wall Street et à cette ambiance déjà présente dans les années 1980 et 1990 :
« Simplement, Wall Street aujourd’hui semble être mieux dompté – grâce à plusieurs procès […] – dans la Silicon Valley, en revanche, la misogynie continue sans relâche. »
Alors, les femmes de la Silicon Valley semblent fonder leur propre camp, indépendamment des réussites masculines, et quitte à appuyer sur une fracture du genre déjà existante. Des tweets de soutien à l’article de Newsweek ont déjà été postés. Mais ils côtoient un fil d’actualité également bien véhément à l’encontre de l’hebdomadaire. Megan Quinn, une personnalité influente du business de San Francisco, et Kal of the Rathi, joueuse et développeuse, ont ainsi tweeté :
Go home @Newsweek you’re drunk/desperate/inappropriate/offensive RT @jimpoco: This week’s cover. pic.twitter.com/KEq5hAZal5
— megan quinn (@msquinn) 28 Janvier 2015
« Rentre chez toi, Newsweek, tu es ivre/désespéré/à côté de la plaque/offensant. »
. @caseyjohnston a constant source of failure to see the actual problem by being part of the problem. @Newsweek you are the enemy.
— Kal Of The Rathi (@KalOfTheRathi) 28 Janvier 2015
« Une source permanente d’échecs pour voir les véritables problèmes, en devenant vous-même une partie du problème. Newsweek, vous êtes l’ennemi. » Sans le soutien unanime des business-women qui sortent du lot dans la Silicon Valley, cette conjoncture sexiste restera sûrement inchangée.
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