Le magazine Causette est sous le feu des critiques après la parution dans son numéro d’été d’un article sur la liaison entre une professeure et son élève mineure.
« C’est une histoire de passion interdite. A Lille, une femme, une prof, est tombée amoureuse, à en perdre toute raison, de Leïla, son élève, une collégienne de 14 ans. Elle a dix-neuf ans de plus que son amante. Elle risque dix ans de prison. Causette l’a rencontrée« . Voilà comment commence l’article intitulé « Une liaison particulière » publié dans le numéro d’été de Causette (en kiosques). Sur quatre pages, la journaliste Stéphanie Maurice revient sur la liaison d’une professeure d’anglais de collège et de son élève mineure, en s’appuyant, entre autres, sur les propos de la dite professeure, Nathalie B., qui a le loisir d’expliquer que « dans pédophile, il y a prédateur, quelqu’un que je ne suis pas » et « j’ai voué ma vie aux adolescents. C’est terrible pour moi qu’on puisse imaginer que je suis un danger pour eux« .
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Le titre maladroit de l’article, certains passages dont une étrange référence au film La Vie d’Adèle (« Et, comme une mauvaise raison de plus, Abdellatif Kechiche a obtenu la Palme d’or au Festival de Cannes pour La Vie d’Adèle, l’histoire d’une jeune fille tombant sous le charme d’une lesbienne aux cheveux bleus. Un film tourné à Lille (…) à deux pas du tribunal« ), et, surtout, le fait que la journaliste rapporte les propos de Nathalie B. mettent plus d’une lectrice mal à l’aise. Les commentaires affluent sur les réseaux sociaux et la rédaction de Causette reçoit de plus en plus de mails.
Il faut dire que l’article fait inévitablement écho à un autre papier portant sur la même histoire, publié le 22 mai sur le site du Nouvel Observateur, signé par le journaliste François Caviglioli et dans lequel on retrouve, là encore, l’expression de « passion interdite » qui hérisse les poils de certaines lectrices. A commencer par ceux de la chroniqueuse Gaëlle-Marie Zimmermann, qui publie un billet de blog sur A Contrario dans lequel elle affirme : « François Caviglioli et Le Nouvel Obs érotisent la pédophilie« . Elle écrit:
« Deux femmes qui s’aiment, c’est tellement beau, n’est-ce pas ? Il est bien connu que les femmes ne s’aiment pas comme les hommes. Une femme, c’est doux, c’est tendre, c’est sexy, et peu importe alors de mettre le lecteur en état de salivation malsaine, lui faisant oublier qu’on parle ici d’une infraction pénale, constituée par l’atteinte sexuelle sur mineur et figurant au Code pénal, et que ce qu’il nous décrit se résume tout simplement, eu égard à l’âge de la victime, à une relation sexuelle entre une adulte et une enfant. »
C’est Gaëlle-Marie Zimmermann qui mène la fronde contre Causette. Sur le blog A Contrario d’abord, où elle a publié un billet intitulé « Racolage, complaisance, désinformation: c’est vraiment ce journalisme-là que vous voulez? » dans lequel elle qualifie le magazine Causette de « pro-pédophile ». Sur Twitter ensuite, où elle interpelle le directeur de la rédaction Grégory Lassus-Debat, et appelle au boycott du magazine sous le hashtag #pédocausette. Ce à quoi Gregory Lassus-Debat répond:
Mea culpa
Après un premier message de « mise au point » posté le vendredi 28 juin sur son profil Facebook, Causette présente ses excuses dans une tribune publiée sur Rue89. Doit-on en conclure que l’article était effectivement complètement à côté de la plaque ? Contacté par téléphone, Grégory Lassus-Debat clarifie sa position:
« On a voulu s’excuser auprès de nos lectrices qui ont pu ressentir un malaise, simplement parce qu’on a sous-estimé le fait que le sujet des atteintes sexuelles sur les adolescents est extrêmement sensible. Il déclenche les passions. La mise en scène du récit n’était pas suffisant ».
A la question de savoir s’il reprendrait, aujourd’hui, la décision de publier l’article, le directeur de la rédaction répond: « Je ne regrette pas la publication des informations contenues dans l’article. Il est fouillé, enquêté. (…) Si c’était à refaire, on ne se permettrait surement pas le même titre, on écrirait plus souvent ou en plus gros qu’on ne cautionne pas du tout les actes et les paroles de cette femme. » Il ajoute: « Donner la parole à quelqu’un qui a quelque chose à se reprocher n’est pas cautionner. Mais c’est un sujet qui choque tellement que le simple fait de donner la parole donne l’impression qu’on cautionne. Il aurait fallu prendre plus de précautions. » Grégory Lassus-Debat tient, aussi, à rappeler la ligne éditoriale de Causette:
« Les sujets difficiles et délicats, on les aborde. Par exemple, quand on fait un dossier sur l’assistance sexuelle des handicapés, sur la prostitution en donnant notre avis. On ne s’interdit pas de les faire et c’est une des raisons d’être de Causette que d’aborder ces sujets-là. On sait qu’on s’expose à des réactions. »
Au sujet de son échange, virulent, de tweets avec Gaëlle-Marie Zimmermann, Lassus-Debat commente: « On ne va quand même pas laisser quelqu’un écrire dans un article public que « publier ce genre d’article constitue une apologie de la pédophilie » et donc que « Causette est un magazine pro-pédophile » sans attaquer ».
L’article, lui, continue de susciter le débat. Les commentaires se multiplient sur le site de Rue89 en bas de la tribune de Causette. Certains y déclarent leur soutien sans faille au magazine. Lila13, elle raconte sa propre histoire d' »atteinte sexuelle sur mineure », perpétrée par une adulte alors qu’elle avait 14 ans, et dénonce non seulement l’article mais aussi les illustrations tendance romantique qui l’accompagnent.
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