Loin des commissariats et des brocantes, la série Catch-moi si tu peux évolue dans le monde du catch amateur. Une comédie réussie sur un amour malheureux.
La fiction française laisse en jachère des espaces porteurs d’imaginaire. Le catch et ses rituels font partie de ces territoires narratifs invisibles dans les feuilletons et séries, alors même que sa théâtralité venimeuse et ses ambiances survoltées sont fascinantes.
Dans cet univers codifié, la gaieté collective dissimule la misère sociale, le jeu se mêle au combat et le goût du spectacle aiguise l’affrontement. Le catch a cette particularité de semer la confusion chez le spectateur, confronté à un divertissement hybride, entre lard et cochon, travestissement et nudité, douleur et esquive, réalité et mensonge.
Catch-moi si tu peux, la minisérie écrite et réalisée par Mehdi Ouahab pour la collection La Nouvelle Trilogie produite par Gilles Galud et Bruno Gaccio, prend le risque d’inscrire son récit au coeur de ce monde plein de faux semblants et de vrais personnages.
Il se met au catch pour la séduire, elle rêve d’une carrière pro au Mexique
A travers l’histoire d’un amour brisé entre deux catcheurs amateurs à Béthune, l’auteur s’amuse à dépeindre les climats des salles surchauffées par quinze spectateurs hilares autant que les climats intérieurs de ses personnages égarés. Mathias (Martin Pautard), héros comique de la série, en décalage et en retard sur tout, pratique le catch sans trop y croire : c’est par amour pour sa petite amie Léa (Judith Davis) et par adoration pour son père, ancien champion mort sur un ring, qu’il s’y consacre.
Mais son amoureuse, fan de catch, le quitte pour tenter une carrière professionnelle au Mexique, guidée par un agent mytho de Béthune, Alfredo Garcia (Arsene Mosca). Mathias déserte sa boutique de meubles anciens et se défait de sa désinvolture pour se préparer au combat final : il rêve de reconquérir sa dulcinée à la force du poignet et du masque sur le ring de Béthune où elle revient combattre. Coaché par une ancienne championne locale, la Grosse Bertha (Mathilde Braure), il découvre enfin les ruses et les trucs des catcheurs qui se respectent.
D’énormes baleines écrasent de blanches colombes
La série déploie sa narration à partir de ce désir de conquête simultanée d’une femme et d’un jeu, sans que l’on sache lequel procède de l’autre. Mehdi Ouahab joue avec les délires poétiques de ses personnages, pris à leur propre piège, incapables de faire la part des choses entre la sincérité de leurs épanchements et les tricheries de leurs gestes.
A l’image du coach qui prend l’accent mexicain alors qu’il vit à Valenciennes depuis toujours. Ici, on s’invente des vies comme on enfile des masques. Comme sur la scène d’un match de catch, où d’énormes baleines semblent écraser des blanches colombes quand elles ne font que les effleurer, Léa et Mathias se toisent, se cherchent, se défient, s’évitent et s’attirent.
Légère et attachante, Catch-moi si tu peux porte un regard quasi ethnographique sur le monde des matchs sautillants, auxquels participent ici d’anciens vrais catcheurs, au gabarit impressionnant. Les masques bariolés invitent à des vies parallèles, factices, mais parfois plus belles que celles hors du ring, à Béthune, Mexico ou ailleurs.
Catch-moi si tu peux Minisérie de Mehdi Ouahab (3 x 26’). Les 3, 10 et 17 mai, 22 h 40, Canal+.