Pour lutter contre les cartels de la drogue, des milices s’organisent en Arizona et au Mexique avec l’idée de supplanter la police et l’armée jugées inefficientes. Esthétiquement soignée, une enquête aux conclusions pessimistes.
Il y a une volonté manifeste de faire cinéma avec ce documentaire sur les cartels mexicains, dont l’une des productrices est Kathryn Bigelow, ce qui n’est pas un hasard. Mouvements de caméra soignés, utilisation recherchée de la musique, montage parallèle.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les gangs de trafiquants sont à l’arrière-plan de ce film à suspense. Le but est de montrer comment, au sud de l’Arizona et au Mexique, des groupes d’autodéfense armés jusqu’aux dents entendent rétablir une certaine sécurité que leur police et leur armée n’assurent plus.
Deux poids, deux mesures
On suit à la frontière des Etats-Unis l’Arizona Border Recon, milice menée par un certain Tim Foley, ainsi que, dans l’Etat mexicain du Michoacán, la montée en puissance des “autodefensas”, dont le leader charismatique est un médecin, Manuel Mireles.
En réalité, il y a deux poids, deux mesures entre les situations. Foley et sa bande sont des losers en treillis qui traquent seulement les immigrants clandestins, dont les passeurs sont certes liés aux cartels de drogue. En revanche, Mireles et sa mini-armée luttent réellement pour leur survie face au gang des Caballeros Templarios, qui massacrent leurs villages et restent impunis.
On se souvient du documentaire El Sicario – Room 164 de Gianfranco Rosi (2010), où un ancien tueur à la solde des narcotrafiquants expliquait comment l’armée, la police et même le gouvernement mexicain étaient infiltrés par ces organisations criminelles.
Tout le monde est complice ?
Mais Cartel Land montre aussi le caractère ambigu de l’autodéfense, car certains justiciers outrepassent leur mission pacificatrice (pillant par exemple des maisons). En 2014, le gouvernement mexicain, toujours suspect lui-même, désarmera le groupe d’autodéfense, arrêtera Mireles, puis créera une milice d’opérette.
La conclusion du film, qui forme une boucle avec le prologue (sur la fabrication de méthamphétamine), est désarmante, démontrant que, comme le disait le sicario (tueur à gages) filmé par Rosi, tout le monde est complice dans ce pays-cartel. Aux dernières nouvelles (hors film), le cartel des Caballeros Templarios, démantelé, a été remplacé par plusieurs groupes mafieux au Michoacán.
Cartel Land documentaire de Matthew Heineman. Mercredi 16, 20 h 50, Canal+
{"type":"Banniere-Basse"}