Capital se met au vert avec une déclinaison écologique de son concept originel. Une analyse pédagogique de l’impact de nos modes de vie sur la planète.
Créée il y a vingt ans sur M6, Capital a marqué l’histoire de la télévision d’une double manière : en inventant un mode de récit journalistique factuel, pédagogique et scénarisé – copié partout depuis –, en racontant au grand public des stories puisées dans la sphère économique. Sans forcément en faire l’éloge, en assumant même parfois un regard critique sur ses abus, Capital a incarné à la télé ce rapport “décomplexé” à la culture d’entreprise défendue avant elle par des émissions peu recommandables comme Ambition, animée par Bernard Tapie sur TF1 en 1986.
En dépit d’un formatage répété et d’une admiration parfois naïve pour les entrepreneurs, Capital a construit son succès sur cette alchimie entre déconstruction des règles du capitalisme et héroïsation de ses figures de proue.
Ses horizons s’élargissent aujourd’hui avec une déclinaison de son concept : Capital Terre. Ou comment l’écologie se mêle à l’économie et comment les préoccupations environnementales bouleversent le business. En adjoignant le mot “Terre” à sa marque, le magazine prend ainsi acte d’une curiosité télévisuelle généralisée pour le sujet. Des Report-Terre sur France 5 à Global mag l’émission quotidienne d’Arte, de plus en plus de programmes se font l’écho des thématiques écologiques.
Dans Capital Terre, écrit par Emmanuel Leclercq, Jean-Bernard Schmidt et Guy Lagache, le client habituel de Capital conserve ses repères : la construction du récit, déployé selon le mode d’une succession d’histoires emblématiques, le ton du commentaire, la réalisation mettant le journaliste baroudeur Guy Lagache au coeur du dispositif filmique (sur une pirogue en Chine, dans la forêt indonésienne, dans un village éthiopien, dans un supermarché parisien…). Mais l’angle éditorial se décale du refrain habituel en creusant une question clé : comment et pourquoi nos modes de consommation alimentaires ont-ils un impact majeur sur notre environnement ?
Une longue exploration planétaire en offre une illustration édifiante. Fidèle à sa volonté d’éclairer des mécanismes macroéconomiques par des cas concrets, Lagache prend le temps d’expliquer des faits souvent mal compris. Par exemple, l’huile de palme, consommée en grande quantité dans nos aliments industriels, contribue à accentuer le réchauffement de la planète : les arbres de la forêt vierge laissent la place aux palmiers, qui absorbent trois fois moins de gaz carbonique. Impact direct sur l’environnement, sur les populations locales dépossédées de leurs terres, sur la santé des consommateurs (elle contient plus de mauvaises graisses que le colza ou le tournesol) : l’huile de palme, certes moins chère à produire, cumule les inconvénients.
Autre exemple inquiétant : la consommation délirante de boeuf dans le monde. Les élevages intensifs au Texas de vaches engraissées aux hormones de croissance ou aux cornflakes produisent des gaz à effet de serre. En rejetant ainsi du méthane, en contaminant les sols avec leurs bouses pleines de nitrates et d’antibiotiques, les vaches polluent plus que toutes les voitures roulant sur la planète ! Tel que Guy Lagache le dépeint, le plancher des vaches n’est pas beau à voir.
Plus globalement, tout ce que l’on mange a aujourd’hui plus de répercussions environnementales que les transports, souligne le journaliste. Face à cet état du monde, conditionné par les lois du capital, des stratégies alternatives s’organisent : des grandes marques se mettent à afficher sur leurs produits l’impact environnemental, de plus en plus de consommateurs font l’effort d’acheter des produits de saison, cultivés près de chez eux, le green business prend son envol… Grâce à des solutions concrètes, confortant la prise en compte de l’environnement dans nos modes de consommation, la Terre a de quoi nourrir 12 milliards d’individus, conclut l’émission.
Substituant à la posture grandiloquente des “prêtres” médiatiques de l’écologie (de Yann Arthus-Bertrand à Nicolas Hulot) une démarche journalistique dense et précise, Capital Terre réussit sa transformation chlorophylle. Le vert lui va bien.
Capital Terre Mercredi 24 mars, 20 h 40, M6