L’émission de débats critiques, animée sur Canal + Cinéma par Frédéric Beigbeder, serait supprimée par la chaîne. Si cette mauvaise nouvelle se confirmait, cela signifierait l’éclipse d’une émission pleine de vitalité et la fin d’une exception culturelle à la télé. Pour fêter les 30 ans du groupe, Canal supprimerait son émission la plus exigeante ? Drôle de cadeau.
Sans confirmation officielle de la chaîne, la rumeur s’est répandue : la seule émission de débats critiques de la télévision française ne serait pas reconduite la saison prochaine, viendrait de décider la direction du groupe Canal +, tenue à des économies de chandelles en ces temps de disette budgétaire (et de désertification culturelle). En dépit de sa marginalité sur les grilles du PAF dominant, qui en termes d’exposition, de buzz ou d’audience, a des critères plus exigeants, son soudain effacement attristera ces téléspectateurs définitivement orphelins d’espaces critiques, dont le petit écran a toujours eu du mal à accepter le prix et les règles. Si certains pleurent la fin de Taratata ou Chabada, d’autres regretteront plutôt ce pusillanisme propre à la télé, effrayée par les mots enlevés de critiques dont le seul tort est de porter un regard sur des œuvres détachées de tout critère de promotion pure. Si la radio résiste à cette loi d’airain d’une parole désubstantialisée (de La Dispute sur France Culture à l’inexodable Masque et la Plume sur France Inter…), la télé n’arrive décidément pas à s’y faire (à de rares exceptions près, comme Ca balance à Paris sur Paris Première).
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Il y a pourtant de quoi s’agiter et s’énerver devant Le Cercle, émission pleine d’aspérités et de motifs de crispation, ne serait-ce qu’à travers les inévitables désaccords que chacun pouvait ressentir devant son poste. Les différends des téléspectateurs avec certains critiques, autant que ceux qui opposaient entre eux les critiques eux-mêmes, forment évidemment l’ossature de l’émission dont le dispositif archétypal – des journalistes assis autour d’une table de billard – s’avérait très efficace à l’écran. Le (jeu de) rôle de l’animateur Frédéric Beigbeder, qui avait remplacé en 2005 Daphné Roulier dans la fonction du passeur, participe pleinement de l’éclat de l’émission, à la fois drôle, légère, addictive et explosive. De Philippe Rouyer à François Bégaudeau, de Marie Sauvion à Xavier Leherpeur, d’Arnaud Viviant à Aurélien Ferenczi, d’Eric Neuhoff à Christine Haas…, sans compter les plumes des Inrocks (Jean-Marc Lalanne, Frédéric Bonnaud, Jacky Goldberg…), la cohorte des journalistes qui se succédaient forme aussi l’indice d’une vitalité critique dont la presse française, malgré tout le mal qu’on en dit, reste encore le fragile réceptacle. Le Cercle est une émission aussi grande dans son énergie critique que simple dans sa grammaire télévisuelle. Fausse alerte ? Espérons-le.
Ce soir, 22h15, Canal + Cinéma
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