Un an après la mort de la journaliste américaine Marie Colvin et du photographe Rémi Ochlik à Homs, en Syrie, une campagne online, « A Day Without News ? », rappelle les risques encourus sur le terrain.
Depuis 1992, 971 journalistes sont morts dans l’exercice de leur fonction, dont 90 en 2012. Une partie de la profession s’insurge : « Il fallait faire quelque chose », tempête Aidan Sullivan, créateur du département Reportage chez Getty Images et ex-directeur de la photographie du Sunday Times Magazine. Aux côtés d’autres photojournalistes, il a lancé A Day Without News? (ADWN) le 22 février 2013 – soit un an jour pour jour après la mort de Rémi Ochlik et Marie Colvin, tués lors du bombardement par les forces armées syriennes d’un centre de presse improvisé. Cette vaste campagne de communication vise à sensibiliser le public aux menaces qui planent sur l’information en temps de guerre : « ADWN est une initiative globale, qui associe réseaux sociaux, parutions presse et sensibilisation auprès des dirigeants. Tous les moyens sont bons pour s’inviter dans le débat public ou diplomatique et ainsi faire évoluer les conditions de travail des journalistes dans le monde. Sans eux, ce monde deviendrait terriblement silencieux. »
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« Dès que j’ai entendu parler de cette campagne, j’y ai immédiatement souscrit », s’exclame Jean-François Leroy, fondateur de Visa pour l’image, le plus grand festival international de photojournalisme. Mais, « malgré son enjeu crucial pour l’information, A Day Without News? est une initiative peu relayée par les médias hexagonaux ». Du côté des rares signataires français, on trouve Régis Le Sommier, directeur adjoint de Paris Match :« A Day Without News? consiste en un rappel. Une mobilisation pour honorer nos disparus et redire à nos lecteurs à quel point l’information est précieuse. Que derrière un reportage ou une photographie se cache toute une profession, très exposée, qui met parfois sa vie en jeu pour documenter une guerre. »
Une réalité qui ne date pas d’hier, bien que les causes soient aujourd’hui redessinées par la crise de la presse :
« En période de conflit armé, les journalistes ont toujours été pris pour cibles. Et malgré ce que l’on peut entendre sur les risques actuels, la profession n’est pas plus dangereuse aujourd’hui que dans les années 80, époque à laquelle nous avons payé le prix fort pour documenter une guerre comme le Liban, analyse Régis Le Sommier. Néanmoins, parmi les phénomènes nouveaux, on assiste à une précarisation des conditions des journalistes envoyés sur le terrain, à qui on ne donne pas toujours les garanties nécessaires à la bonne réalisation de leurs sujets à l’étranger. D’autre part, de plus en plus de jeunes reporters s’aventurent sur le terrain, certes avec des gilets pare-balles, mais pas toujours avec une assurance, ni une promesse de publication. Ils sont pigistes ou freelance, sans l’appui solide d’une rédaction, et veulent se faire les dents en couvrant leur premier conflit armé. » Ici, le risque est considérable. Le directeur adjoint de Paris Match tire l’alarme : « J’étais à Gao, au Mali, il y a peu, et un militaire français me confiait alors que ces jeunes journalistes, souvent inexpérimentés, représentaient de véritables otages potentiels. »
Aidan Sullivan est catégorique : » Tu ne sais pas faire un garrot ? Alors ne pars pas couvrir la guerre en Syrie. Des formations existent, elles enseignent les savoirs de base pour s’en sortir dans les zones de combats. Tous les reporters devraient bénéficier de ces instructions qui peuvent les sauver, eux ou leurs partenaires sur le terrain. Les avancées technologiques et notamment l’instantanéité de la diffusion de l’information font des journalistes des cibles de choix. Lors de conflits armés, nos reporters ne sont plus vus comme de simples observateurs, mais comme des espions à la solde de l’Occident. Enfin, certains titres doivent cesser d’accepter des contenus produits par des freelance, alors que ces journalistes ne bénéficient d’aucune reconnaissance ni de couverture sur le terrain. Il faut en finir avec cette hypocrisie qui régit certaines rédactions, dans lesquelles on est prêt à publier une image, sans s’impliquer ni protéger celui ou celle qui l’a ramenée, parfois au péril de sa vie. »
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