Après des débuts dans Le Before, Camille Cottin a exporté « Connasse », sa caméra cachée hilarante, dans Le Grand Journal de Canal+. Game of Thrones, Twitter et sex-toy : entretien avec une drôle d’actrice
Qui c’est la Connasse ?
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Camille Cottin – Il y en a mille ! Je ne la travaille pas comme un personnage classique avec un parcours, un environnement, des rapports aux autres, au monde. Je prends ma forme comme un buvard et je me mets en situation. Je ne limite pas la Connasse, elle est très mobile. Après, ma mère dit toujours tout ce qu’elle pense, donc cette liberté de parole m’est familière. Ma mère, elle me sort par exemple : « C’est fou comme tu peux être belle et comme tu peux être laide. » Mais j’ai besoin de garder une liberté d’âge, de milieu et de sexe aussi. Parfois, je suis une connasse masculine.
Tu coécris les épisodes ?
Non, je suis la Connasse. Je suis le corps, Noémie Saglio et Eloïse Lang (créatrices, scénaristes et réalisatrices de la pastille – ndlr) sont le cerveau.
Aucun regret sur un épisode ?
Non. Mais, comme c’est de la caméra cachée, au début j’y allais plus sur la pointe des pieds. C’est particulier de jouer avec des gens qui ne jouent pas. Puis, je me suis rendu compte que plus j’étais connasse, plus c’était drôle et plus les gens prenaient de la distance et étaient moins mal à l’aise. C’est plus drôle d’assumer pleinement la non-conscience de l’autre.
Il y a une grande part d’improvisation ?
Ça dépend des situations. J’essaie toujours de placer les punchlines écrites, et ensuite selon la situation, j’ajoute des choses. J’ai toujours une petite touche personnelle.
La Connasse prend-elle parfois le pas sur toi quand le quotidien ?
Maintenant, j’analyse mes pensées, je me dis « ça c’est vraiment une pensée de connasse ! » La Connasse est comme une enfant, elle n’a aucune conscience de l’autre, elle est complètement égocentrée, comme si elle n’avait pas été éduquée.
Comment ça se passe avec les gens que vous filmez ?
Ils doivent donner leur accord. S’ils refusent, on floute – mais on n’aime pas ça – ou on recommence la séquence jusqu’à ce que quelqu’un accepte.
Le vieux monsieur dans le magasin de sex toys qui dit devant un gode qu’il en a » une plus petite », il a donc accepté ?
Oui ! Sa repartie est géniale. Les gens sont plus sympas que ce qu’on croit. Ils prennent ça avec humour. La ligne directrice d’Eloïse et Noémie c’est : pas d’attaques directes, pas de méchanceté gratuite. Beaucoup sont rassurés, aussi, de savoir que ce n’est pas vrai, que je ne suis pas vraiment comme ça ! La fille dans l’épisode « L’immobilier » s’était raconté toute une histoire, ce que font souvent les gens que je rencontre. On était quatre et elle pensait que je sortais d’un hôpital psychiatrique et que j’étais en réinsertion.
Y a-t-il des caméras cachées qui t’ont inspirée ?
Ce n’est pas ma culture à la base. Une copine m’a dit de regarder François l’embrouille. Et même si ce n’est pas le même personnage, le même montage, j’ai vu à quel point il n’avait pas peur de pousser la situation. Quand il désamorce, c’est oublié, les gens le prennent bien. Ça m’a un peu rassurée sur le procédé, sur le fait que c’était drôle.
Tu n’as pas peur d’être trop médiatisée et que la caméra cachée ne fonctionne plus ?
On pense à étendre le terrain de jeu, à sortir de Paris. Dans certains quartiers, genre vers Bastille, je suis fichée. Dans « La galerie d’art », j’ai piégé une galeriste qui connaissait la Connasse mais ne m’a pas reconnue. Je suis arrivée dans la galerie et j’ai lancé : « Mais sinon vous avez des choses belles ? » Elle était piquée, elle n’a pas fait le lien.
Tu as déjà tourné dans des tragédies ?
J’ai joué Chimène, mais j’ai galéré avec les vers. Quand on habitait Londres (elle y a vécu cinq ans – ndlr), ma mère avait monté un club de théâtre au lycée. On jouait La Guerre de Troie… Elle m’avait donné le rôle d’Hélène, et un mec que je kiffais à mort jouait Pâris. Mon rêve se réalisait. On devait présenter la pièce au concours des lycées français internationaux à La Roche-sur-Yon, mais le mec nous a plantés. Ma mère a repris le rôle de Pâris. Elle avait un vieux costume de marin et des talonnettes, et moi, j’étais dans ma robe de princesse…
Tu te verrais retourner à des choses moins drôles ?
Jouer dans des pièces reposant plus sur l’émotion, oui, à fond. C’est génial quand le rire te permet d’encaisser des trucs super émouvants.
On en revient au rire…
Oui ! (rires) C’est ce que j’aime le plus, quand l’humour vient donner un souffle à un récit qui me bouleverse.
Tu envisages d’écrire ?
Je suis un peu inhibée et j’aime bien rentrer dans l’univers de quelqu’un. Jouer c’est aussi un peu écrire, tu ajoutes ta touche sur l’histoire.
C’est ton vrai compte sur Twitter ?
Oui… L’année dernière, un pote m’a ouvert mon compte et je n’y suis jamais allée ! J’ai combien d’abonnés ?
118…
C’est pas terrible, si ? Je suis timide, je ne me vois pas déballer ma vie sur les réseaux sociaux. Et puis, comme ça, je garde le mystère et on se dit peut-être que j’ai une vie géniale !
Tu fais quoi quand tu ne travailles pas ?
Je pleure ! (rires) Quand je ne travaille pas, je ne peux pas ne rien faire, c’est la mort. J’aime le mouvement. Trouver un personnage, c’est comme aller chercher du pétrole, tu essaies, il n’y a rien, rien et paf !, ça jaillit. Mais ça dépend des gens, il y a des Mozart aussi. Moi je suis plutôt de ceux qui doivent travailler.
Tu regardes des séries ?
Je suis malade de Game of Thrones. Mais le streaming, c’est un cauchemar : à 22 h 30 tu te dis « on se fait une série », à 23 h 45 t’as pas trouvé le site, à minuit t’as un truc qui n’est pas synchronisé avec les sous-titres et à 1 h t’as maté un demi-épisode… et ça te rend fou !
Est-ce qu’il y a un mot que tu détestes ?
« Condescendant » ! Je le trouve alambiqué. C’est un puits sans fond pour moi, et les consonances ne sont pas terribles. Mais en général, j’aime bien les mots.
Connasse épisodes 1 à 35 (Studio Canal+), 17 €, disponible le 4 mars
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