Déjà obligatoire pour les acteurs de films pour adultes dans le comté de Los Angeles depuis 2012, le port du préservatif pourrait désormais s’appliquer à toute la Californie. Le débat fait rage dans l’épicentre du porno où plusieurs associations montent au créneau.
La Californie, eldorado du film porno américain, est le terrain de divisions quant au port du préservatif dans ses films. Depuis 2012, la mesure B impose l’obligation du port du préservatif pour les acteurs de films pour adultes dans le comté de Los Angeles, auquel cas les fraudeurs s’exposeraient à de grosses amendes.
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La Proposition 60, abrégée en « Prop 60 », vise désormais à étendre la mesure à tout l’Etat de Californie. Les électeurs californiens seront appelés à voter en novembre prochain pour ou contre le port systématique du préservatif sur les plateaux de tournage de films pour adultes. Mais la majorité de l’industrie du porno s’oppose à cette loi.
Bataille idéologique
Derrière ce projet se cache le controversé Michael Weinstein, le directeur général de l’AIDs Healthcare Foundation. Fervent opposant à Grinder, Tinder et au Viagra, il souhaite désormais qu’en plus du port obligatoire du préservatif, les producteurs de films pornos paient les vaccins et examens médicaux liés aux infections sexuellement transmissibles. Actuellement, la loi fédérale oblige les acteurs à se faire dépister toutes les deux semaines.
Aux Etats-Unis, le débat est devenu une véritable bataille idéologique. Dans l’industrie du porno, beaucoup y voient une atteinte à disposer de son corps. D’autres, y dénoncent une forme d’encouragement à la délation.
« Cette loi met les acteurs à la merci des citoyens, y compris ceux qui jugent et méprisent l’industrie du porno », s’indigne l’actrice Chanel Preston, présidente de l’association Adult Performer Advocacy Committee, interrogée par Vocativ. Elle ajoute : « N’importe quelle personne ou groupe anti-porno, n’importe qui ayant un problème avec tel ou tel acteur, ou même un consommateur jaloux pourra utiliser cette loi pour attaquer en justice les acteurs. »
« L’acharnement n’est pas une valeur californienne »
Mobilisation des associations LGBTQ
Eric Paul Leue, militant LGBTQ et directeur de Free Speech Coalition y voit « quelque chose d’effrayant » :
« Imaginez les harceleurs, les fans trop zélés, les membres de la famille en colère, et les groupes anti LGBTQ être en mesure d’obtenir les noms juridiques et adresses du domicile des gens qui sont ouverts à propos de leur sexualité et de leur identité sexuelle. »
C’est d’ailleurs pourquoi un grand nombre d’associations LGBTQ (Equality California, AIDS Project Los Angeles, the Los Angeles LGBT Center…) se mobilisent contre la Prop 60 en Californie.
L’actrice Ela Darling craint elle aussi que la mesure donne « le droit aux stalkers de me poursuivre en justice à cause de mes photos ou de mes relations filmées de mon propre gré », a-t-elle indiqué dans une vidéo YouTube pour Adult Performer Advocacy Committee.
This is how Prop 60 will affect performer @ElaDarling #noonprop60https://t.co/V6uRlGh8tI
— APAC (@apacsocial) August 29, 2016
« Cette loi prétend protéger les personnes travaillant dans l’industrie du film pour adulte, mais en réalité, elle les expose à des poursuites judiciaires et au harcèlement », affirme l’association Californians Against Worker Harassment.
Des amendes extrêmement lourdes
The Free Speech Coalition dénonce, elle, le fait que la loi concerne les producteurs. Or, une bonne partie d’entre eux sont aussi acteurs et pourraient recevoir des amendes extrêmement lourdes allant de 10 000$ à 30 000$ en cas de non port du préservatif, ou de 5 000$ à 15 000$ si le producteur ne garanti pas le remboursement des tests médicaux, comme le révèle le Tag Parfait. Autrement dit, des personnes pourront encourir des peines dès lors qu’elles possèdent des intérêts financiers dans le film. De même, un couple pourra recevoir des amendes à partir du moment où il réalise et distribue sa vidéo s’il ne respect pas la loi.
https://www.youtube.com/watch?v=87YgpSOm3gk#action=share
Comme le souligne la sociologue américaine spécialiste de l’industrie du film pour adultes, Chauntelle Tibbals, « Que ce soit des modèles pour webcam ou des agents, nombreux sont ceux qui ont des intérêts financiers au sein d’un même film. » Ce que revendique aussi Mike Stabile, porte-parole de l’association Free Speech Coalition :
« Quasiment tous les acteurs dans l’industrie sont également des producteurs (…) Les acteurs gèrent leur propre site, ils vendent des vidéos, ils font des camshows. » Pour lui, la Proposition 60 permettrait avant tout « d’ouvrir la porte aux stalkers, aux activistes anti-porn, aux moralistes et aux familles conservatrices afin qu’elle puissent poursuivre en tout impunité des acteurs. »
« Aucun travailleur ne devrait risquer sa vie juste pour garder son emploi »
La loi rappelle toutefois la nécessité pour les acteurs de porno de se protéger. « Aucun travailleur ne devrait risquer sa vie juste pour garder son emploi », martèle Cameron Adams. Ancienne actrice de films pour adultes, elle est séropositive depuis 2013, seulement trois mois après ses débuts dans le milieu. Le bloggueur Mike South appelle, lui aussi à voter en faveur de la loi. « Si vous êtes un acteur, ne vous faites pas d’illusion, si vous contractez le VIH, personne ne vous viendra en aide dans l’industrie du porno ».
https://youtu.be/mjCusKIFzP8
Eric Paul Leue reconnaît que le système actuel possède quelques failles, mais pour lui, la solution passerait avant tout dans le dialogue. « Pour lutter efficacement, vous devez faire participer les artistes, écouter leurs préoccupations (…) et construire un système qui part du bas vers le haut », conclut-il.
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