Slate, BuzzFeed, Mashable, Business Insider. Ces sites nés aux Etats-Unis ont choisi l’Hexagone pour s’exporter et développer leurs déclinaisons locales. Pari réussi ?
“On mange en terrasse ? J’ai commandé sur internet mais tant pis. Il fait trop beau, j’ai très envie de profiter du soleil”, se marre Cécile Dehesdin face à son équipe. Flèche blanche sur un sweat à zip rouge, la rédactrice en chef de BuzzFeed France arbore fièrement les couleurs de son entreprise aux allures de start-up.
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Voilà quatre ans que le site spécialiste des tops et LOLcats a posé l’ancre sur la toile française. Il n’est pas le seul : Slate avant lui, le Huffington Post ou plus récemment Mashable et Business Insider ont aussi traversé l’Atlantique.
Kit de démarrage
Novembre 2015. Les membres de l’équipe BuzzFeed s’installent dans des locaux flambants neufs au cœur du Xe arrondissement de Paris. Deux ans plus tôt, au début de l’aventure, elles n’étaient que deux journalistes à faire tourner le site.
Aujourd’hui, ils sont douze de plus, chacun derrière un MacBook et un deuxième écran où défilent tweets et posts Facebook. Telle une équipe de sport d’université américaine, tous ont eu droit à leur kit de démarrage estampillé BuzzFeed (tasses rouge et blanche, sweat à capuche, gourdes, calepins).
“Je veux cette licence”
A une quinzaine de kilomètres de là, au nord de Paris, Prisma Media a également tenté l’aventure. Il y a huit mois, le groupe s’est offert la licence de Business Insider, référence de la presse économique US. Cheveux poivre et sel et regard bleu azur, Hubert Michaux, directeur du site, explique d’un ton badin les raisons qui l’ont poussé à exporter la marque américaine.
“J’ai rencontré par hasard un démarcheur qui voulait vendre des licences de sites internet américains, raconte-t-il entre deux gorgées de café. Quand il m’a proposé celle de Business Insider, je lui ai répondu : ‘Ne bougez plus, je veux cette licence.’”
S’imposer dans le paysage médiatique tricolore n’est pourtant pas une mince affaire. Cécile Dehesdin, qui a connu les débuts de slate.fr, avoue qu’il faut se montrer pédagogue : “Quand j’étais à Slate, nous avons passé nos premières années à épeler le nom de notre média. C’était pareil pour BuzzFeed, nous avons dû expliquer aux gens notre travail.”
Formats courts
A Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne, dans les locaux de Mashable FR, hébergé par la chaîne France 24, on confirme ce constat : “Au début, ce n’était vraiment pas facile mais France 24 nous a servi de sésame.”
Si du côté de Mashable FR (83 000 abonnés sur Facebook et 22 000 sur Twitter) et Business Insider France (5 000 fans sur Facebook et 2 700 followers sur Twitter) les débuts sont timides, chez BuzzFeed on estime que la greffe a pris. En 2017, leur page Facebook totalise plus de 800 000 fans. La recette du succès ?
Des formats courts, illustrés en tweets et en GIF, un ton plus jeune et décalé, destinés à “ceux qui vivent internet, sur internet, accrochés à leur smartphone”, résume Cécile Dehesdin. En effet, qu’elles abordent l’économie, les styles de vie ou les nouvelles technologies,la plupart de ces antennes ciblent les jeunes de 18 ans à 40 ans.
“Contrairement aux Américains, nous faisons de très bons chiffres sur les quiz ou les articles régionaux” Cécile Dehesdin, BuzzFeed France
Si ces médias ont gagné leurs galons outre-Atlantique, il est encore trop tôt pour que leurs déclinaisons françaises soient aussi connues. A BuzzFeed, malgré une cellule investigation qui déniche quelques scoops, le mélange des genres a parfois du mal à passer – d’un clic à l’autre, l’internaute peut passer d’une enquête fouillée sur une collaboratrice du ministre de l’Aménagement du territoire Jean-Michel Baylet à un concours interminable de goûters opposant Granola et Kinder Bueno.
Mashable FR s’est quant à lui fait un nom grâce à la vidéo d’un spécialiste britannique de la Corée du Nord interrompu en plein direct par la rocambolesque irruption de ses deux enfants. Bilan : 1,5 million de vues. “Ça ne me dérange pas que nous nous fassions connaître à partir de sujets plus légers, se défend Steven Jambot, rédacteur en chef adjoint du site, à partir du moment où nous parvenons à établir une relation durable.”
Identité propre
Les déclinaisons françaises peuvent-elles se construire une identité propre ? BuzzFeed France veut y croire. “Contrairement aux Américains, nous faisons de très bons chiffres sur les quiz ou les articles régionaux”, note Cécile Dehesdin. Une analyse partagée par Hubert Michaux de Business Insider : “Nous avons tenté plusieurs choses : plus de traduction des Etats-Unis vers la France, ou au contraire, plus d’articles sur des thématiques françaises. Ce sont les sujets français qui fonctionnent le mieux.”
Leur article sur les 103 entrepreneurs français à suivre en 2017 a ainsi dépassé les 1,5 million de vues. Dans un coin de la salle de rédaction de BuzzFeed, quelques cartons jonchent le sol en prévision d’une future extension. L’équipe aimerait rejoindre le troisième étage avec de nouveaux postes de travail. “Je recrute en ce moment deux journalistes au pôle vidéo”, justifie Cécile Dehesdin. De préférence bilingues.
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