Après les révélations du « Point », le « Canard enchaîné » et le site Atlantico confirment l’existence d’enregistrements de Nicolas Sarkozy réalisés par Patrick Buisson. Vous êtes perdu dans cette affaire ? On vous explique tout en cinq points.
« L’homme par qui le scandale arrive », c’est en ces termes que Le Point brossait le portrait de Patrick Buisson, il y a quelques jours. A 64 ans, l’homme cumule un passé de journaliste (Minute dont il devient directeur en 1986, Valeurs Actuelles en 1987, puis à la télé sur LCI) et de conseiller politique. Il a d’abord conseillé Philippe de Villiers avant d’insuffler l’idée d’une « Droite forte » (son courant) à Nicolas Sarkozy, qu’il a rejoint dès 2004, présidant la victoire du non au référendum sur la constitution européenne.
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Dès le 12 février, Le Point révélait que Buisson avait enregistré à son insu l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy. Le président de la chaîne Histoire et ancien directeur de Minute avait alors nié ces accusations, affirmant même son intention de déposer une plainte pour diffamation contre l’hebdomadaire. Sa stratégie est tombée à l’eau, aujourd’hui, après les nouvelles révélations du Canard enchaîné, suivies peu de temps après par celle du site d’information Atlantico qui corroborent celles du Point. En effet, les deux médias confirment l’existence d’enregistrements de Nicolas Sarkozy, réalisés à son insu. Retour sur l’affaire en cinq points.
1/ Quand ces enregistrements ont-ils eu lieu ?
Les extraits publiés ce matin par le Canard enchaîné ont été enregistrés le 27 février 2011, dans l’après-midi. Soit quelques heures avant l’annonce d’un remaniement du troisième gouvernement de François Fillon (qui a débuté le 14 novembre 2010), après la démission Michèle Alliot-Marie du ministère de la Défense, vivement critiquée pour ses relations avec l’ancien Président tunisien Ben Ali, alors qu’à la même période fleurit le Printemps arabe. Officiellement, ce remaniement intervient afin de s’adapter à « une ère nouvelle ». Alain Juppé remplacera MAM, Gerard Longuet sera nommé à la Défense et Claude Guéant à l’Intérieur. L’ami de toujours, Brice Hortefeux, va quant à lui être débarqué du gouvernement.
2/ Qui était présent à cette réunion
Ils sont six, ce 27 février, à entourer Nicolas Sarkozy dans son bureau et à préparer son allocution qui sera diffusée dans la soirée. On retrouve ses trois plus proches conseillers « officiels » : le secrétaire général de l’Elysée (et futur ministre de l’Intérieur) Claude Guéant, Henri Guaino la plume du Président et Frank Louvrier, son chargé de communication. On retrouve aussi trois conseillers plus officieux (« clandestins » écrit le Canard) : le publicitaire Jean-Michel Goudard (à qui on doit notamment le slogan présidentiel de 2012 de Sarkozy « La France forte »), l’ancien directeur général de l’Ipsos Pierre Giacometti, et enfin Patrick Buisson.
3/ Ce qu’on y entend
A quelques heures de l’annonce, Sarkozy s’interroge sur le sort de son ami Hortefeux : « Vous n’avez pas d’états d’âmes sur Brice ? » demande-t-il à la tablée. Buisson, du tac-au-tac : « On en a tous. On aime tous Brice. Le problème est de faire un choix politique », rapporte le Canard. Buisson, conseiller venu de l’extrême droite et chantre de la stratégie de droitisation de Sarkozy en 2012, appuie son propos : « En matière d’immigration, Brice est inhibé (…). Une partie de notre électorat manifeste une certaine impatience. » Sur MAM, empêtrée dans ses affaires tunisiennes, Sarkozy est moins scrupuleux : « J’ai accepté qu’elle me fasse une lettre de démission. Mais, enfin, personne n’est dupe. » Plus tard, alors qu’il quitte l’Elysée en voiture officielle avec Buisson, Goudard se rappelle au bon souvenirs d’anciens ministres : « (…) MAM, Bachelot ou (…) Darcos, tu découvres à la tête de la République des ministres nuls », analyse le publicitaire. « Archinuls » confirme Buisson qui enregistre toujours.
4/ L’autre enregistrement
Contacté dès mardi soir par le Canard enchaîné, Patrick Buisson reste, dans un premier temps, stoïque : « Et sur quoi vous basez-vous ? Allez-y, publiez ! » Mais il change de ton quand il apprend que l’hebdomadaire a en sa possession les enregistrements, « je n’ai aucun commentaire à faire » déclare-t-il, la voix « chevrotante », comme le rapporte le Canard. Dans la foulée de ces révélations, le site Atlantico apporte, ce matin, d’autres extraits sonores (quatre) toujours enregistrés par Buisson, mais datant cette fois du 26 février à la Lanterne, à Versailles. On retrouve un Goudard inquiet à l’idée du remplacement de Claude Guéant par Xavier Musca au poste de secrétaire général de l’Elysée : « L’avantage de Guéant, là depuis trois mois, c’est qu’il connaissait un petit peu les dossiers, notamment pour les affaires auprès du parquet. Il se mouillait un petit peu ». A cette époque, Buisson redoute de possibles retombées judiciaires liées à la présidence de Nicolas Sarkozy.
5/ Les réactions
L’ancien Président n’a pas réagi officiellement. Mais selon son entourage, il est « furieux » se sentant « trahi » par l’un de ses plus proches conseillers. Henri Guaino s’est lui exprimé sur France Info : « C’est vraiment une trahison. Nous vivons tous cet évènement comme une sorte de viol. » A l’UMP, les réactions vont dans le sens de la consternation. Interrogé sur France 2, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qualifie cette méthode d’« inacceptable » et « intolérable ». Mardi soir, Me Gilles-William Goldnadel, avocat de Buisson, a affirmé sur i-Télé que son client allait rendre « coup pour coup ». Il a également confirmé l’authenticité de l’enregistrement de la réunion de travail du 27 février. Le quotidien Le Monde rapporte quant à lui les propos d’un proche de Nicolas Sarkozy : « Le problème, c’est que personne ne sait jusqu’où cela peut aller maintenant que la boîte de Pandore est ouverte… » Du côté du Parti socialiste, Bruno Le Roux, président de groupe à l’Assemblée, envisage de demander la tenue d’une commission d’enquête parlementaire si Nicolas Sarkozy ne dépose pas plainte. Le patron du PS Harlem Désir évoque, lui, un « quinquennat d’intrigues, de trahisons, de cynisme, d’argent et de mépris de l’Etat. Les ingrédients de l’affaire Buisson montrent la déliquescence du système Sarkozy » dans un communiqué.
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