Les associations qui luttent contre les violences faites aux femmes et les féminicides sont dubitatives quant au budget d’un milliard annoncé par Marlène Schiappa pour réduire les inégalités femme-homme.
Marlène Schiappa a annoncé ce dimanche 6 octobre le doublement du budget dévolu à l’égalité femme-homme lors d’un entretien accordé à La Voix du Nord. “Le gouvernement a consacré 544 millions à l’égalité femme-homme en 2019. En 2020, 1,116 milliard sera investi dans cette politique transversale”, a-t-elle indiqué.
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Un milliard d’euros, c’est justement la somme que réclament sans relâche depuis plusieurs mois les associations féministes afin de lutter efficacement contre les violences faites aux femmes et les féminicides. Et c’est bien sur ce point qu’était interrogée la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité.
Or, Marlène Schiappa fait ici mention d’un budget qui regroupe l’ensemble des dépenses effectuées par l’Etat qui sont liées à l’égalité, pas uniquement celles consacrées à la lutte contre les violences conjugales comme le demandent les associations.
“Nous ne faisons pas de distinction entre ce combat pour l’égalité et celui contre les violences faites aux femmes. Tout est lié. Ces violences prolifèrent sur un système où les hommes agresseurs ou violents tiennent les femmes victimes par des liens d’interdépendance économique ou de pouvoir », a justifié la secrétaire d’Etat.
La demande des associations n’est pas satisfaite
Selon Anais Leleux, membre du collectif Nous Toutes, contactée par Les Inrocks, en annonçant un budget d’un milliard d’euros consacré à l’égalité femme-homme, Marlène Schiappa ne répond pas vraiment à la demande des associations.
“Il y a un détournement de ce que l’on demande parce qu’il s’agit d’un budget transversal, donc ce n’est pas suffisant c’est un écran de fumée”, déplore-t-elle. “Cela fait des mois que nous réclamons qu’un milliard d’euros soit consacré à la lutte contre les violences conjugales. Nous nous sommes basées sur les préconisations du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes pour effectuer cette demande. C’est un rapport fourni par une institution qui a fait un travail très sérieux sur le sujet et qui souligne que cet argent est nécessaire pour lutter efficacement contre les violences conjugales.”
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Pour Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif National Droit des Femmes, c’est l’argumentaire déployé par le gouvernement qui sème le trouble sans répondre aux demandes des associations féministes. “Son argument est de dire que réduire les inégalités participe à la diminution des violences mais elle botte en touche en disant cela. Ce n’est pas ce que nous demandions, nous voulons un milliard pour la seule lutte contre les violences.”
Un constat que partagent les administratrices de la page Féminicides par compagnon ou ex qui chaque jour, dénombre les femmes victimes de féminicides. “Faire cette annonce est un moyen de nous dire ‘je vous ai entendues’. Mais nous, dans les faits, nous continuons de compter les mortes”, déplorent-elles.
Le budget est-il vraiment doublé ?
Fatima-Ezzahra Benomar, cofondatrice de l’association Les Effronté.es, nous précise qu’au sein du budget transversal, peuvent entrer toutes les dépenses qui participent de près ou de loin à lutter contre les inégalités de genre sans qu’elles participent directement à combattre les violences subies par les femmes.
“Marlène Schiappa a annoncé un doublement du budget égalité. En fait, elle parle du document de politique transversale (DPT) qui est assez vicieux comme document parce que l’on peut taguer plein de choses « égalité ». Ce document recense toutes les dépenses de l’Etat qui sont liées à l’égalité d’une manière ou d’une autre. Donc, il y a le budget de Schiappa qui est de 30 millions et il y a toutes les autres dépenses des ministères comme le financement par l’Intérieur de psychologues en gendarmerie ou une partie du budget de l’Education Nationale. Le gouvernement considère que comme les profs parlent d’égalité aux élèves, une partie de leur salaire sert à l’égalité. Donc 124 millions du ministère de l’Education sont tagués « égalité ».”
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Le fameux DPT n’étant pas encore sorti, il est donc pour l’instant impossible de savoir comment va être réparti le milliard alloué à l’égalité femme-homme. Et, de fait, la part qui sera attribuée à la lutte effective contre les violences conjugales.
Selon Céline Piques, porte-parole de Osez le féminisme, via ce document, Marlène Schiappa déploie une stratégie de communication “qui vise à répondre aux préoccupations des associations et de la société qui demandent qu’un plan efficace de lutte contre les féminicides soit mis en place”. “Mais nous sommes sceptiques sur l’investissement supplémentaire réel”, précise-t-elle. “Nous craignons qu’il s’agisse surtout d’un refléchage du budget déjà existant et émanant des autres ministères mais qui, auparavant, n’était pas attribué à l’égalité.”
Et à Anaïs Leleux de conclure : “On attend de voir, on reste vigilantes.”
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