Des parcs à n’en plus finir, des projets eco-friendly, le développement des zones cyclables… Bruxelles figure dans le top 4 des villes en lice pour décrocher le titre de capitale verte européenne en 2015. Décision le 24 mai.
« Bonjour, vous êtes arrivé à Bruxelles-Midi. Welkom op Brussel-Zuid.” Quartier de la gare, dans le centre : du bruit, des pots d’échappement, quelques petits arbustes. Un peu plus bas, une borne de vélos en libre-service. Il suffit de sortir de ce capharnaüm et de faire quelques mètres pour remarquer les arbres bordant les boulevards. “Au XIXe siècle, l’urbanisation de Bruxelles s’est développée sur la base de grandes allées plantées, ce qui explique son maillage vert”, explique l’urbaniste Marie Demanet, coordinatrice du bureau d’études ERU, spécialisé dans l’urbanisme durable, qui participe activement à la construction de la ville. Bruxelles compte en tout 8 000 hectares de pelouses à tondre. L’administration de Bruxelles-Environnement s’occupe d’un quart des hectares, le reste est entretenu par les différentes communes de la ville et est “géré de façon exemplaire” : aucun pesticide ne serait utilisé pour prendre soin des plantes. Autour des pelouses du parc Tenbosch, à Ixelles, les chiens ont même leur propre espace, évitant aux flâneurs de bien mauvaises surprises.
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« Il y a encore du chemin à faire »
À Bruxelles, 75 % des consommations d’énergie et 70 % des émissions de CO2 proviennent du secteur du bâtiment. Depuis 2004, l’administration régionale multiplie les initiatives et les aides en faveur du développement durable dans ce secteur. Le but : “Inciter à rénover, mieux isoler et surtout équiper les bâtiments pour réaliser des économies d’énergie et réduire les émissions”, analyse l’architecte Bernard Deprez, professeur à la fac d’architecture La Cambre Horta et coauteur avec Jean Cech de Les bâtiments exemplaires se racontent (à Bruxelles). Depuis, toitures vertes, citernes de récupération d’eau de pluie et façades en bois apparaissent comme des champignons dans le paysage urbain. Les résultats, discrets, semblent satisfaisants : “En moins de dix ans, les techniques dites de rénovation durable commencent à se répandre. Entre 10 et 15 % des constructions obéissent aux normes. Mais il y a encore du chemin à faire”, explique-t-il. Il détaille :
“Cette technique s’appuie sur quatre axes : la qualité de l’intégration du bâtiment dans le tissu urbain, l’efficacité énergétique, l’utilisation de matériaux durables pour la construction comme le bois et surtout l’accessibilité des coûts”, avant de souligner que “c’est bien ce dernier point qui a permis la diffusion du phénomène.”
Le durable passe surtout par le vivre ensemble. “La revalorisation des quartiers n’est pas propre à Bruxelles. Elle s’inscrit dans l’air du temps, explique Marie Demanet. Par contre, ce développement à une échelle locale est parfait pour la ville, divisée en dix-neuf communes indépendantes et où la vie de quartier est bien ancrée.” En 2009, les contrats de quartiers deviennent ainsi des contrats de quartiers durables, ils permettent d’améliorer le cadre de vie des citoyens, par l’aménagement d’espaces publics avec une forte dimension écologique aussi bien dans le bâtiment que dans le secteur socio-économique.
Marie Demanet ne doute pas de l’efficacité du projet : “On retrouve cette stratégie à Copenhague, capitale connue pour sa politique de développement durable. Certes, les résultats sont encore perfectibles, mais travailler en relation avec les citoyens permet de mieux répondre aux besoins sociaux et environnementaux.” Bruxelles verra bientôt la construction de nouveaux quartiers verts.
“Les enjeux seront divers : économies d’énergie, diminution des déchets, rationalisation des consommations, qualité de l’air, utilisation réfléchie de l’espace, valorisation des espaces naturels et renforcement de la cohésion sociale”, ajoute-t-elle.
Actuellement, de nombreux projets fleurissent à travers toute la ville, notamment celui du quartier Canal-Midi, à Anderlecht : 3 500 mètres carrés de potagers urbains doivent être plantés d’ici 2014.
Repenser l’urbanisation
Près de 225 000 voitures entrent et sortent de Bruxelles chaque jour. S’ajoutent celles utilisées au quotidien par les Bruxellois. Les alternatives ne manquent pas, entre train, tram, bus, métro, vélo… La SNCB dessert 28 gares bruxelloises et le réseau de la STIB comprend plus de 2 200 arrêts. Le système Villo! possède 180 stations de vélos en libre-service. Dans le même style, Cambio propose des voitures. Enfin, un abonnement d’un à deux ans aux transports publics est octroyé aux plus écolos qui se débarrassent de leur voiture.
Certes, Bruxelles voit la vie en vert. Mais des progrès sont encore à faire. “À vélo, c’est un massacre. Il y a très peu de vraies pistes cyclables. Et les automobilistes sont inattentifs”, déplore Guillaume Hénaut, adepte de la combinaison casquette-fixie. Son amie, Mo Alleron, s’est déjà pris une portière de voiture :
“Je confirme… Qu’ils soient au volant d’une voiture ou d’un bus, aucun conducteur ne fait attention aux cyclistes. Parfois, j’ai même l’impression qu’ils le font exprès. Peut-être parce qu’on se faufile plus vite qu’eux dans les embouteillages”, ironise-t-elle.
« On a gagné »
Sceptique, Guillaume Hénaut continue : “Il y a tout de même des initiatives comme les Villo!, sauf que 15 kilos de bike au milieu des collines bruxelloises, je ne suis pas sûr que ça plaise aux touristes ou aux cyclistes du dimanche… En tout cas, peu à peu, les projets avancent. La première rue cyclable a été inaugurée. Elle est en plein centre-ville.” Amusé, son acolyte Damien Kerlouet conclut : “On a gagné.” Dimanche sans voiture, marché bio, ateliers de compost, voire tri sélectif draconien… Bruxelles pourrait bien devenir la capitale verte 2015. En attendant le résultat, le printemps pointe son nez et à l’heure de l’apéro, dans les parcs, les Bruxellois se mettent eux aussi “aux verres”.
Elena Fusco
Les bâtiments exemplaires se racontent (à Bruxelles) de Bernard Deprez et Jean Cech (éditions Racine), 232 pages, 29,95 €
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