L’icône des années 2000 revient avec une offre artistique et des codes inchangés. Stratégie marketing ou signe du naufrage du rêve américain ?
En novembre 2018, Britney Spears annonçait une série de concerts à Las Vegas. Sans nouveautés musicales, les shows sont à peu près identiques à ceux qu’elle performe dans la “ville-néon” depuis 2013, eux-mêmes basés autour des hits et looks de sa grande époque au tournant du millénaire. Répétitif ? C’est tout le but.
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La star a récemment célébré ses 37 ans et, au passage, les 20 ans de son tube Baby One More Time. “Je n’ai pas vu un jour passer !”, s’exclame-t-elle. Pour filer l’autocitation, elle dévoile, fin 2018, un spot publicitaire pour un parfum intitulé My Prerogative, clin d’œil au titre du premier single de sa compile Greatest Hits: My Prerogative sortie en 2004.
Une relique d’elle-même et d’un monde disparu
Une étonnante stratégie marketing qui va à l’encontre du mythe américain de la réinvention de soi, prônant le lancement de nouveaux produits pour susciter la désirabilité ou des collaborations “chocs” pour se renouveler. Au contraire, Britney Spears fait son come-back en restant précisément telle qu’elle était. Son revival agirait non pas comme une nouvelle page qui se tourne, mais comme une relique d’elle-même et d’un monde disparu.
Aujourd’hui égérie Kenzo, Britney Spears s’affiche à peine relookée dans la campagne qui lui est dédiée : total look denim, casquette style Von Dutch comme à l’époque, lourdement fardée… Les créateurs Humberto Leon et Carol Lim – à la tête de Kenzo depuis 2011 – ne se privent pas de citer ses premières heures de gloire.
“C’est une vraie légende, qui nous inspire depuis l’adolescence et dont le look de l’époque est devenu véritablement iconique, notamment sa passion pour le denim”, dixit le duo. Pour les millennials, Britney Spears ne serait-elle pas un exutoire fantasmatique à l’austérité actuelle ?
En exploitant la dichotomie catin/vierge, elle était devenue l’instrument de contrôle de la sexualité des jeunes Américains
Avec ses airs de petite fiancée de l’Amérique, Britney Spears avait permis au moteur de l’industrie musicale de ronronner depuis la fin des années 1990. En exploitant la dichotomie catin/vierge, elle était devenue l’instrument de contrôle de la sexualité des jeunes Américains, le trait d’union entre le porno chic du nouveau millénaire et le puritanisme de son pays.
https://www.youtube.com/watch?v=Ift_HudH6NA
De l’enfant star à l’adolescente sexualisée qui revendique la virginité jusqu’au mariage, de la self-made woman à la mère célibataire déchue… La vie privée de Spears a été suivie de très près par ses compatriotes et s’est transformée en un ersatz d’idéaux féminins.
Peindre des fleurs sur Instagram
Aujourd’hui, en crop top, jean délavé et nombril percé, avec un coach-amant jeunot jamais bien loin, elle aurait pu s’inscrire dans le discours féministe d’empowerment pop actuel avec son image hypersexualisée combinée à son rôle de mère. Non, Britney Spears ne récupère pas ce scénario juteux. Au contraire, sur les réseaux sociaux, la quasi quadragénaire se met en scène, enfantine, en train de peindre de grandes fleurs, ou se lance dans des déboulés de danseuse de ballet sur sa terrasse avec vue sur la plage… Britney Spears accumule toujours les représentations hétéronormées rassurantes.
https://www.instagram.com/p/BnrWvCKnPjc/
Une vision qui fait écho à celle de Trump : alors qu’elle se promène en robe de princesse dans son manoir, lui installe des rideaux dorés à la Maison-Blanche. A eux deux, ils persistent et signent dans la célébration de l’ère bling-bling d’une Amérique so années 2000.
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