Les balles en caoutchouc ont été largement utilisées pour neutraliser les manifestants lors des contestations récentes en Turquie et au Brésil. Mais quelles sont ces armes qui cherchent à incapaciter sans pour autant provoquer le décès de la personne touchée ?
« C’est un peu comme des balles de paint-ball » décrit le Major Alexandre Papy, chargé de cours au département de systèmes d’armes et balistique de l’Ecole Royale Militaire à Bruxelles, président d’un groupe de l’OTAN qui travaille sur la standardisation des effets des projectiles non létaux. Il en existe en plastique, en mousse, en caoutchouc, mais ces balles ne sont pas des jouets. Leur principe est simple : il s’agit d’incapaciter la personne touchée qui trouble l’ordre public afin de l’empêcher de continuer son action. Pour l’OTAN, une arme non létale ne doit pas causer de dommages permanents ou de décès. « Il faut faire en sorte de faire mal, sans pour autant blesser ni tuer. » Les balles en caoutchouc peuvent causer un bleu, une contusion, éventuellement une côte cassée. « La limite c’est l’hôpital, précise Alexandre Papy, on veut absolument éviter la pénétration de la peau. »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Un entraînement nécessaire
L’effet des armes non létales dépend de nombreux variables et c’est aussi pourquoi il n’y a pas (encore) de standard international en ce qui les concerne. Le poids de la victime en fait partie : « une personne qui fait 50 kg et une personne qui en fait 120 ne réagiront pas de la même façon en recevant une balle », explique Alexandre Papy. De plus, les systèmes d’armes ne sont absolument pas standardisés : d’un type d’arme à l’autre, les distances de tir, la déformation des balles durant l’impact, et la puissance globale varient beaucoup.
#PHOTO A demonstrator is shot with rubber bullets as riot police charge during mass protests in Rio de Janeiro pic.twitter.com/Pgx8EWaMEk
— AFP Photo Department (@AFPphoto) June 21, 2013
Pour limiter les blessures, les policiers et les militaires doivent être spécifiquement entraînés à utiliser ces armes. Souvent quand la formation des forces de l’ordre est insuffisante ou inadaptée, les armes non létales sont mal employées, et c’est là que l’on dénombre des blessés. Chaque arme a une distance de tir minimale, qui varie beaucoup selon les modèles, et qu’il faut connaître. « Il y a aussi des endroits où il ne faut jamais tirer, par exemple l’œil, cela peut causer des dégâts irréparables » ajoute Alexandre Papy. Ce genre de blessures a été beaucoup vu lors des récentes manifestations en Turquie et au Brésil.
L’utilisation au Brésil et en Turquie
Lors des manifestations brésiliennes, la police brésilienne a eu recours à ces balles de caoutchouc, parfois avant tout début de trouble à l’ordre public, tirant aussi bien sur les protestataires que sur les journalistes, comme l’explique une jeune femme de la Folha de S. Paulo, touchée à l’œil, dans cette vidéo. Santiago Almeida, 18 ans, de Sao Paulo, témoigne : « Ils ne sont pas bien préparés et ils abusent de leur pouvoir en visant n’importe qui, sans discernement. J’ai vu la police tirer, comme s’ils avaient eu les yeux fermés, sans faire attention, sans penser, simplement en portant leur arme et en appuyant sur la gâchette. »
Polícia continua usando balas de borracha na cara dos manifestantes propositalmente #ProtestoCE pic.twitter.com/W2Ya2KuPX2
— ♎ Percy Jackson Ψ (@Olimpiano_) June 19, 2013
« La police continue à utiliser des balles en caoutchouc en visant à dessein la tête des manifestants »
Martine Droulers, chercheuse au CNRS et spécialiste du Brésil, ajoute : « La police brésilienne a l’habitude des interventions contre les mafieux dans les favelas. C’est une police d’action très musclée. » De nombreuses vidéos sont ainsi partagées sur les réseaux sociaux brésiliens, accompagnées de commentaires indignés. Celle-ci, vue plus de 800 000 fois montre l’utilisation des balles contre des journalistes à Sao Paulo le 13 juin. Une autre, montre l’attaque des manifestants contre la police puis la réplique des forces de l’ordre à Rio de Janeiro le 17 juin.
Samedi 14 juin, le parc Gezi avait été nettoyé par les forces de l’ordre pour en chasser les milliers de manifestants, selon le même procédé, à l’aide de balles en caoutchouc ainsi que de grenades lacrymogènes et de canons à eau.
{"type":"Banniere-Basse"}