Un journaliste anglais juge que le système financier créé par l’artiste en 1997, afin de racheter son catalogue, préfigurait les troubles actuels.
Dans le genre “info improbable de la presse anglaise”, le Daily Mirror a frappé un grand coup. Dans les colonnes du tabloïd, un journaliste économique de la BBC y est allé franco, accusant tout bonnement David Bowie d’avoir inspiré la crise financière, en arnaquant ses fans avec douze ans d’avance.
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Retour en 1997. A l’époque, pour racheter les droits de ses chansons à un ancien agent, le Thin White Duke est en manque d’ar-gent frais. Sur les conseils d’un ami homme d’affaires, il décide de vendre au public des titres uniques en leur genre : les “Bowie Bonds”, des actions sur ses futures ventes de disques.
Il s’agit pour Bowie de vendre ses droits sur ses royalties à venir,
afin de toucher tout de suite une somme de plusieurs millions de
livres. Mais le deal s’avère bien moins heureux pour les acheteurs, pour la
plupart des fans de l’artiste, car, en 2004, les ventes de disques commencent à s’écrouler… Et le Daily Mirror de voir dans cette triste affaire une préfiguration
de la crise boursière.
C’est en s’inspirant de Bowie que les banques du pays auraient créé leurs “junk bonds”, ces fameuses actions sans valeur, vendues à des organismes privés, sur les intérêts à venir des emprunts accordés aux particuliers. Evidemment, l’accusation semble assez grossière. Difficile de
gober que les banques anglaises ont puisé leur funeste inspiration chez Ziggy Stardust.
D’autant plus que “bien avant Bowie, le jeu financier a
généré de lui-même du capital immatériel, soumis à des fluctuations de valeur gigantesques”, comme le souligne, amusé, l’économiste Thomas Piketty.
Sauf que l’histoire a tout de même une valeur de symbole.
Comme des fans de Bowie convaincus du succès éternel de leur idole, “les entreprises qui investissent dans des concepts ou dans des brevets peuvent avoir l’impression d’avoir d’énormes actifs, avant que tout ne s’écroule”, poursuit Thomas Piketty.
Lui voit dans la mésaventure Bowie “un cas emblématique d’un monde où la structure du capital est de plus en plus difficile à évaluer. Quelle est
la vraie valeur des choses ? Il devient impossible d’avoir des références fiables. La subjectivité individuelle joue un grand rôle… Même dans le cas du catalogue de David Bowie.”
En tout cas, une chose est sûre : il vaudrait mieux pour le grand David qu’il arrête de jouer aux experts financiers. Gageons que le flop de sa dernière expérience en la matière, au début de la décennie (la Bowie Bank, banque online avec cartes bleues et chéquiers à son effigie), lui aura mis la puce à l’oreille.
Gilles Wallon
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