Face à la quatrième candidature d’Abdelaziz Bouteflika au poste de président de la république, les Algériens expriment un intense sentiment de ras-le-bol. Depuis les sévères répressions de samedi dernier, le mouvement citoyen « Barakat ! » (« ça suffit ! ») agite les rues et les réseaux sociaux.
La vidéo suscite un profond sentiment de malaise et tient même de la farce. On y voit Bouteflika au Conseil constitutionnel, pâle et affaibli, chuchoter en quelques mots la confirmation de sa candidature pour un quatrième mandat au poste de président de la République.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
On y était nous-mêmes allés de notre petite vanne sur la forme du président algérien il y a quelques semaines, titrant sur lui « Le retour de la momie », mais cette première apparition depuis son AVC en septembre 2013, retire presque au titre son côté comique, compte tenu de l’air moribond que le président avait face aux médias.
http://www.youtube.com/watch?v=5jjAOxHo5aM
« Ca suffit ! »
Cet inénarrable retour de Bouteflika, qui est maintenant âgé de 77 ans et en place depuis 15 ans, est loin de faire l’unanimité chez les Algériens. Samedi 1er mars, plusieurs manifestants se sont rassemblés devant le Conseil constitutionnel pour exprimer leur ras-le bol et se sont heurtés aux forces de police. Les opposants se sont par la suite fédérés sous la bannière d’un mouvement nommé « Barakat », qui signifie en dialecte algérien « Ça suffit ! » (les premiers militants se sont retrouvés au café d’Alger « Le Tonton Ville »).
Ce rassemblement réclame plus de liberté et un fonctionnement plus démocratique au sein des institutions algériennes. Le journal algérien El-Watan a publié hier son manifeste:
Vu le blocage des institutions de l’Etat, les violations constitutionnelles et juridiques, les atteintes aux libertés et à la souveraineté du peuple qui se trouve empêché d’exercer ses droits,(…) Vu l’autisme du régime, le verrouillage du champ politique et le refus de toute solution concertée pour le règlement des crises multiples (…) Le Mouvement « BARAKAT », qui se définit comme un mouvement citoyen pacifique autonome, appelle le peuple algérien avec toutes ses composantes, à rallier sa cause et à le soutenir pour élaborer une solution politique pacifique globale à même d’instaurer un Etat de droit en Algérie (…)
Les deux leaders du mouvement sont Mustapha Benfodil, poète, dramaturge et écrivain algérien qui a lancé l’appel sur Facebook, ainsi que Amira Bouraoui. Cette gynécologue de 32 ans coordonne les manifs anti Bouteflika depuis déjà plusieurs semaines.
Les réseaux sociaux comme réservoir du mouvement
Le combat de Barakat se joue, au de-là des manifestations dont l’impact reste relatif, aussi sur les réseaux sociaux. Le hashtag Barakat et la page Facebook du mouvement permettent aux militant de donner une visibilité internationale à l’opposition et de diffuser ses actions de manière « virale ».
La lutte contre le quatrième mandat se révèle être un combat contre la gérontocratie. Les pro Bouteflika se sont réunis de leur côté sur la toile et usent de formules telles « L’homme jeune marche plus vite que l’ancien, mais l’ancien connait la route. » On trouve aussi des comparaisons qui rapprochent le président algérien à Roosevelt qui a effectué quatre mandats au États-Unis, s’imposant comme un dirigeant de choix par la longévité de sa présidence.
« Dégage ! »
Mais le mouvement vise encore bien au de-là de la maladie et de la vieillesse de Bouteflika. Contacté par les Inrocks, le reporter d’El Watan, Salim Mesbah, présente Barakat comme un mouvement « pas encore très structuré » mais « pacifique« . Il vise selon lui des problèmes aussi profonds que la corruption, le besoin d’élections démocratiques et l’impunité judiciaire de Bouteflika et de ses proches qui pourrait être maintenue par un quatrième mandat. Ce n’est d’ailleurs certainement pas un hasard si l’on trouve sur les pages internet du mouvement le terme « dégage » utilisé pendant les printemps arabes pour « balayer » les dictateurs. Le prochain rendez-vous est fixé à demain, devant l’université d’Alger.
{"type":"Banniere-Basse"}