Des couteaux de boucher sur une table de mixage : en Belgique, Simon Bomans a détourné le concept des soirées électro Boiler Room à sa sauce, ou plutôt avec son boudin. Face caméra, retransmis en live, les DJ mixent pendant qu’il prépare du boudin pour régaler les invités. Rencontre avant sa première soirée parisienne, début avril.
« Un concept simple comme une tartine de pâté traditionnel. Deux artisans, l’un passe des titres à t’abîmer les rotules pendant que l’autre fait de la charcuterie. Le tout dans un lieu tenu secret au cœur de Bruxelles. » La recette ? Simon Bomans au four et un copain DJ pour faire danser.
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Il y a un an et demi, Simon quitte son job d’analyste légal en produits dérivés pour débuter une formation d’apprenti boucher. Il lance Boudin Room sur un coup de tête : charcuterie artisanale et musique techno, le combo gagnant pour une soirée originale et gastronomique. Le tout est diffusé en direct sur internet. Il nous raconte son projet.
De la finance à la boucherie, il n’y a qu’un pas ?
Simon Bomans : J’étudiais le droit à Liège. Je me suis spécialisé dans le droit des affaires et j’ai d’abord travaillé pour un fonds d’investissement au Luxembourg. J’ai ensuite bossé en tant qu’analyste légal en produits dérivés à Bruxelles. Une belle carrière dans la finance… Mais un jour j’en ai eu marre, le boulot m’emmerdait, je traînais la patte. J’ai commencé une formation de deux ans en Boucherie-Charcuterie au Ceria à Anderlecht, une reconversion totale. En juin je serai diplômé et je suis très heureux comme ça.
Boudin Room, ça sort d’où ?
Je discutais avec mon pote Antoine en festival. Je lui explique que j’ai des amis parisiens qui débarquent à Bruxelles et que j’ai promis une démonstration de mes nouveaux talents. Antoine est DJ, sous le nom DJ Aidons Antoine, pour le label Le Pacifique Records. Du tac au tac, il me répond, « Si tu fais du boudin chez toi, je ramène mes platines« . J’ai enchaîné, « Si t’amènes tes platines, je mets une webcam« . C’est parti de là tout simplement. Je reçois un message d’Antoine quelques jours plus tard, « BOUDIN ROOM ». J’ai trouvé ça mortel. On lance un event sur Facebook. Comme premier endroit secret, on choisit mon appart. J’appelle un autre pote, Diego, DJ lui aussi [DC Salas]. Et sans publicité, le 10 décembre 2016, j’ouvre mon appart à presque soixante-dix personnes. Je ne connaissais même pas la moitié, et moi j’étais là, dans ma cuisine à faire du boudin.
« Mon boudin est super important, peut-être plus que la musique. »
Quand le boudin rencontre la musique, ça donne quoi ?
Je prends des plages de quatre heures. Ca me permet de caler deux sets de deux heures ou un b2b de quatre heures. La première Boudin Room, c’étaient mes potes Antoine (DJ Aidons Antoine) et Diego (DC Salas) qui ont mixé. Ce qui m’a mis à saturation, ce sont les sets de 45 minutes. Avant, j’écoutais beaucoup de musiques électroniques et j’en chroniquais pas mal aussi [Simon est toujours chroniqueur pour Goûte Mes Disques]. J’avais pas envie qu’on soit sur un format d’une heure. Je veux laisser aux gens qui mixent la possibilité de se poser sur leur musique, de ne pas expédier, donc deux fois deux heures. T’as le temps de bien montrer ce que t’as dans le ventre, de faire monter l’ambiance à ton aise jusqu’à l’apogée. Et moi au niveau du travail en boucherie, je suis plus large. Je peux prendre le temps de faire les choses : si je vais vite en une heure et demi j’ai préparé mon boudin.
Pourquoi espacer autant les soirées ?
Si on en fait si peu, c’est pour créer l’exclusivité. Si tu sais que tu dois attendre six mois pour remanger du boudin, tu y vas ! On a vraiment réussi à créer de l’émulation autour du concept. On en a fait quatre l’année dernière. On a mixé à Dour cet été, au bar du Petit Bois avec Surfing Leons. C’était dingue. Cette année, on a déjà deux dates à l’étranger, dont une à Paris et quatre ou cinq à Bruxelles. On sera de nouveau à Dour en juillet. Au début, c’était un truc de copains, maintenant on est mieux organisés. La machine s’est emballée sur Facebook, moi je continue de faire mon boudin.
Mr et Mme Charcut’ ont un fils ?
Si je devais avoir une filiation avec une charcuterie, ce serait avec le boudin. Après si je vais à Toulouse, je dis pas, je ferai peut-être de la saucisse de Toulouse. Je vais essayer de préparer d’autres charcuteries : pâté, tête pressée, boulettes. Pour l’instant je garde le truc sur le boudin, car sinon ça perdrait de son impact visuel. Les gens viennent pour ça aussi. Tout le monde ne sait pas comment on le fait et pourtant tout le monde en mange. Le côté folklore, j’ai pas envie de le perdre. Le côté respect de la tradition et de l’artisanat non plus. Mon boudin est super important, peut-être plus que la musique. Je fais découvrir une charcuterie en permettant aux gens de s’évader.
Avec quoi on le mange ton boudin ? Et s’il n’y en a plus ?
Avec quoi on le mange ? Classique ! Sur du pain ou une baguette avec de la moutarde quand il est froid. Avec des oignons caramélisés et de la compote quand il est chaud. Tu prends un Pils pour accompagner, style une bonne Jupiler, et tu dégustes. Les gens ramènent leurs bières, on passe une bonne soirée. Et quand y’en a plus, on en refait. Mais attention, je ne sers jamais le boudin qui a été fait pour des raisons d’hygiène. Celui que je fais, une fois que je l’ai pasteurisé, il doit rester au frigo. Le produit n’est pas encore à son potentiel. J’en sers un autre, fait dans des bonnes conditions, qui est nickel.
« Le boudin est assez tolérant comme charcuterie. »
Mixer boudin et rap, ça donnerait du boudin râpé ?
Possible, et j’espère que ça va se faire en 2018. Twister avec du rap, à Bruxelles, ça marche super bien, y’a un gros appétit pour ça (rires). On a mixé à la soirée FiftyFifty aux côtés de Lomepal et Zwangere Guy. Le boudin est assez tolérant comme charcuterie.
L’endroit rêvé pour une Boudin Room ?
Dans le jardin de mes parents, à Liège. Avec un gros DJ, pour que le décalage soit total, ce qui fait le concept depuis le début. Ce serait cool qu’ils assistent à ça, ils en seraient fiers je pense.
Quelle est la suite pour Boudin Room ?
Une fois diplômé, je pars faire le tour de la viande aux quatre coins de l’Europe. Je veux découvrir le vrai bétail, les artisans spécialistes et les plaines d’Ecosse par exemple. Je veux voir ce qui se fait ailleurs, le savoir-faire qui est chez les gens pour ensuite peut-être le ramener chez nous. C’est un peu old-school comme méthode mais ça me va. Qui sait, un jour j’intégrerai peut-être une grande maison. J’emporte Boudin Room avec moi évidemment. Avec le recul je ne comprends pas que ça n’ait pas été fait avant. La formule est simple.
Je suis en train de créer un site internet où je vais lancer une série de papiers, un truc bien didactique avec des conseils de cuisine genre purement factuel : « Pourquoi cette viande revient au goût du jour ? », « Avec quel vin ça se marie le mieux ? » J’ai envie d’un truc purement factuel mais qui donne des infos. La mentalité qu’il faut avoir autour du produit, c’est de celle de l’artisanat traditionnel : ça doit se partager.
Boudin Room débarque à Paris pour la première fois début avril. Teki Latex aux platines. Le lieu est encore tenu secret. Pour rester informé, c’est par ici que ça se passe.
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