Une « science » trop floue pour s’autoriser de ce terme.
« Les réalités économiques sont incontournables », répètent journalistes et politiques à travers leurs commentaires circonstanciés sur la vie des affaires. L’économie est présentée comme une évidence.
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Et si l’économie – ce truisme imparable – était, à l’inverse, contournable ? C’est l’invitation, à peine déguisée en forme de provocation, que lance l’anthropologue Bernard Traimond dans son livre L’économie n’existe pas. Interloqué par la polysémie du terme, dont chacun abuse pour dire tout et son contraire, l’auteur se livre à la déconstruction d’une discipline soumise à la confusion de ses discours.
Les mots – de purs artifices – servent souvent à cacher les objets, à l’image du « langage phatique » découvert par l’anthropologue Malinowski et repris par le linguiste Jakobson. Comme l’ethnie ou l’opinion publique – autres exemples de remises en cause opérées par les sciences sociales modernes -, l’économie subit un traitement de choc (terme adulé par les économistes libéraux) qui vise à mesurer l’inconsistance de ses promesses.
Pour exister, l’économie devrait s’appuyer « sur des démonstrations exigeantes en soumettant les catégories qu’elle utilise à un examen circonstancié, les informations qu’elle invoque à une critique sérieuse et les récits qu’elle propose au relativisme historique et culturel », souligne Traimond.
Plus proche d’une fiction que d’un savoir articulé, l’économie produit pourtant des effets de réel à force d’imprimer sa marque dans l’espace médiatique. Mais c’est moins elle comme discipline structurée que ses objets de fixation qui existent pleinement. Le chômage, lui, n’est pas un simulacre.
Jean-Marie Durand
L’économie n’existe pas, par Bernard Traimond (Les Bords de l’eau), 108 pages, 10 euros
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