Un petit livre pop et incisif tire le portrait paradoxal de la célébrité à tout prix.
Il était fier, idiot et mal flouté. La police a interpellé un collectionneur clandestin de serpents mortels qui s’était laissé griser (griller ?) par les caméras de Sept à huit (TF1). Malgré la pixellisation de son visage, sa silhouette et son quartier ont été identifiés par ses voisins, qui l’ont alors dénoncé.
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Double paradoxe : le mordu des crotales avait pensé accéder à un peu de gloriole sulfureuse bien que circonscrite à un anonymat sécurisé. Par la faute d’une faille dans le système, il est désormais connu pour avoir été reconnu, puis popularisé à ses dépens par la capillarité des news sur le net. C’est exactement de ce genre d’antagonismes et de leurres mal assimilés que s’est nourri Jean-Michel Espitallier pour De la célébrité, petit opuscule aussi vif qu’un paparazzi sous caféine où il dissèque les pratiques de la grande foire aux vanités médiatiques.
Pourquoi les inconnus sous-exposés ne supportent pas leur “excommunication” ? Comment les people sont devenus les représentants du vrai monde ? C’est avant tout de basculement, d’inversion des valeurs dont parle Espitallier. Avec cette idée : en ces temps du tout-infos et de transparence imposée, rien ne vaut l’aura d’un mystère, et surtout l’esquisse de son dévoilement, pour acquérir de la notoriété.
“Le secret d’un mystère est qu’il ne doit pas rester secret.” C’est ce qu’avait confusément senti l’accro des reptiles. C’est ce qui fait des Anonymous les prototypes d’une célébrité nouvelle, portée par une présence/absence diffuse et permanente capable de s’incarner dans mille formes successives. Aussi menaçante qu’on la sent en danger, sur le fil. Prête à rompre.
Pascal Mouneyres
De la célébrité de Jean-Michel Espitallier (10/18), 180 p., 7,50 €
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