La grand-messe cathodique du dîner familial appartient au passé. Tant mieux !
20 heures, l’heure fatidique à la télé. Si l’artiste Christian Marclay, dans son installation magnétique The Clock, s’était penché sur l’histoire de la télé, il aurait probablement mesuré l’effet de tension qui s’empare de toutes les chaînes de télé à ce carrefour stratégique. Les audiences sont alors censées atteindre leur point culminant, et le fantasme des familles réunies devant leur poste domine la doxa télévisuelle depuis des décennies.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Longtemps associée au motif de la messe, le journal de 20 heures a pourtant largement perdu de sa puissance d’attraction sur ses ouailles. L’information télévisée s’est désacralisée à cause de l’élargissement de son champ d’action (sites, chaînes d’info…) et ne fait plus événement, en dépit des efforts parfois déployés pour renouveler une parole trop aseptisée. Face à ce décrochage d’avec l’info du dîner (25 % de parts d’audience sur TF1, 19 % sur France 2, en gros) – une rupture dans l’histoire de la télé -, les chaînes ont compris leur intérêt à investir d’autres espaces de programmation, ce que Canal+ avait anticipé il y a quinze ans avec l’émission prophétique C’est pas le 20 heures.
M6 cartonne avec sa série comique et souvent poussive Scènes de ménages, Canal+ a mis sur orbite Yann Barthès et son Petit Journal devenu grand, France 5 tente le pari d’une offre culturelle avec le tout nouveau rendez-vous animé par Laurent Goumarre… Le modèle figé du téléspectateur collé aux grands titres institutionnels du jour a vécu. La perte du désir du journal télé en a créé un autre : celui de moments qui détachent des contingences, déconstruisent la mécanique de la communication politique, ouvrent vers des horizons plus créatifs. A 20 heures, tout fout le camp : c’est une bonne nouvelle.
Jean-Marie Durand
{"type":"Banniere-Basse"}