Les Inrockuptibles s’associent à &vous by Monabanq pour mettre en lumière ceux qui œuvrent dans l’ombre du monde de la culture. Rencontre avec Didier Veillault, 63 ans, directeur et programmateur de la Coopérative de mai.
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À la tête de la Coopérative de mai, salle de concerts incontournable de Clermont-Ferrand, depuis sa création il y a 18 ans, Didier reste avant tout un fou de musique. Rencontre avec une tête chercheuse et un passeur passionné.
Que faites-vous dans la vie ?
Je suis le directeur et le programmateur de la Coopérative de mai. J’en assume les choix de gestion et de programmation, même si, bien sûr, nous sommes avant tout une équipe, au sein de laquelle nous discutons en permanence. Je suis un peu un « chef d’entreprise », même si je n’aime pas trop le terme, je ne viens pas de cet univers-là.
Pouvez-vous présenter la Coopérative de mai à ceux qui ne connaissent pas le lieu ?
Nous sommes l’une des scènes de musiques actuelles (SMAC) les plus importantes de France, en terme de jauge comme d’activité : c’est une salle de 1500 places, un club de 460. On fait environ 150 concerts par an, ce qui est beaucoup pour une ville de cette importance. nous possédons aussi un espace dédié à toutes les jeunes entreprises de la filière musicale, on appelle ça la Pépinière de mai, nous les soutenons, en mettant à leur disposition des bureaux, on essaie de les conseiller, de les accompagner…
Quel est votre parcours personnel ?
J’ai fait une fac d’anglais et un BTS de gestion, j’ai ensuite été éducateur. Pour mon plaisir, j’organisais quelques concerts dans des MJC, des choses comme ça. Et puis en 1983, j’ai mis en place ce lieu, le Plan à Ris-Orangis, dont je me suis occupé pendant 15 ans. On faisait pas loin de 100 concerts par an. Je me suis inspiré de ce qui se faisait en Angleterre, ces pubs où tu pouvais voir aussi des concerts. Je ne comprenais pas pourquoi on n’avait pas ça en France. Au Plan, on était des passionnés, on a appris un peu sur le tas, de la gestion à la programmation, à servir des bières ou à coller des affiches, on faisait tout. En 1998, j’ai vu une annonce concernant la création de la Coopérative de mai, j’ai postulé et j’ai été retenu. Je ne connaissais personne à Clermont-Ferrand, mais je suis parti et j’ai pris la direction de la Coopérative naissante. Aujourd’hui, je suis aussi co-directeur avec François Missonnier, l’ancien directeur de Rock en Seine, du festival Europavox, dont le but est de mettre en lumière des artistes européens, qui viennent de pays d’Europe moins célébrés pour leur musique que, au hasard, l’Angleterre. Nous avons chaque année près de 50 artistes que nous sommes fiers de faire découvrir.
Quelle est l’économie de la Coopérative de mai ?
Nous avons 24 salariés et bien sûr beaucoup d’intermittents qui participent également, notamment pour le son, les lights et la scène. On embauche aussi des vacataires pour le bar ou l’accueil. Nous avons un chiffre d’affaires de 3 M d’€. Nous nous autofinançons à hauteur de 68 %. Nous sommes aidés par la ville de Clermont-Ferrand, la Métropole, la Région, l’État, afin d’avoir une politique tarifaire la plus accessible. Ça nous permet de faire des concerts abordables pour le plus grand nombre, mais aussi d’avoir une programmation parfois plus exigeante.
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Quels sont les avantages de votre métier ?
Je suis excité comme au premier jour par ce que je fais. Je ne m’ennuie jamais. Cette année, j’ai adoré recevoir Sleaford Mods et Shame. En électro, Chloé m’a mis une claque, ou encore Lomepal pour hip-hop. Chaque jour est différent : hier nous faisions une fête avec le club de rugby local, aujourd’hui nous avons une journée de prévention des risques auditifs, demain nous recevrons des enfants… Là, je travaille sur l’organisation d’Europavox. Les moments d’ennui ou de lassitude n’existent pas. Le soir, quand les lumières s’éteignent et que les concerts commencent, on oublie tout ce qui peut parfois sembler pénible. Mon travail, c’est d’écouter de la musique et de voir des concerts, je n’en reviens pas moi-même, je n’aurais jamais osé rêver de ça jeune homme ! Ma passion est intacte, donner du plaisir aux gens, ça n’a pas de prix. J’ai de la chance de faire ce métier.
Et ses mauvais côtés ?
On passe beaucoup de temps à faire des comptes, à gérer des budgets, à imaginer ce qui est réalisable ou pas. Je suis entouré de gens très compétents, on prend des décisions ensemble, je ne suis pas seul, mais cet aspect budgétaire a pris beaucoup de place dans mon travail, non seulement de directeur, mais aussi de programmateur. Les tourneurs sont devenus de grosses machines, ce métier est en train de changer. On est pris au milieu de tout ça, mais on essaie de conserver une âme à ce métier. Il y a quelque chose d’un peu impersonnel aujourd’hui, il faut être vigilant. On parle trop de chiffres et pas assez d’artistique.
Une anecdote à partager ?
À ce sujet justement, Jean-Louis Murat me racontait récemmet que lorsqu’il tournait, il était très heureux d’avoir de super techniciens dans les salles, mais que bien souvent, personne ne venait lui parler et il se retrouvait un peu seul dans sa loge. La dimension humaine est aujourd’hui un peu laissée de côté.
Quel conseil donneriez-vous à de jeunes gens qui souhaiteraient faire ce métier ?
Aujourd’hui, des structures et des formations permettent d’apprendre notre métier, surtout la partie technique. Mais pour être programmateur, la meilleure des formations, c’est d’écouter plein de choses, d’aller voir plein de choses. Je n’ai pas vraiment de conseils, c’est un boulot de passionnés, si vous avez envie de le faire, faites-le ! Les places sont rares, mais ça n’est pas inaccessible.
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