Née dans l’esprit tordu de Cody Wilson il y a plusieurs mois, l’idée d’imprimer des armes à feu en 3D a fait son chemin et donné naissance au premier flingue tout en plastique. Le pire, c’est qu’il marche.
Fabriquer des flingues grâce à une imprimante 3D ? L’idée, dont on vous parlait en novembre dernier, paraissait trop folle pour être réalisable. Et pourtant, Cody Wilson, qui en est à l’origine, est bel et bien parvenu à imprimer une arme à feu en 3D et à la faire fonctionner. C’est en tout cas ce que rapporte le magazine américain Forbes sur son site Internet. Le journaliste Andy Greenberg raconte avoir assisté à un premier test concluant, le 1er mai dernier à Austin (Texas), en présence de Cody Wilson, 25 ans, et d’un ami à lui. L’arme en question, dont Forbes publie des photos, a été baptisée « The Liberator » en référence au pistolet à un coup fabriqué durant la seconde guerre mondiale par l’armée américaine à destination des résistants.
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Mais, contrairement au « Liberator » originel, l’arme de Cody Wilson est en plastique. Quinze de ses seize pièces ont été réalisées grâce à une imprimante 3D Stratasys d’une valeur de $8000 selon Forbes. Le mode d’emploi : dirigée par un ordinateur sur lequel a été dessiné un objet, l’imprimante réalise le dit objet en superposant plusieurs couches de polyamide. Pour se conformer à l’Undetectable Firearms Act qui rend obligatoire la détection par un détecteur de métal de toute arme à feu, Cody Wilson a ajouté une petite pièce en métal à son arme.
http://www.youtube.com/watch?v=DconsfGsXyA
Et l’Américain ne s’est pas arrêté en si bon chemin puisqu’il a mis hier en téléchargement sur le site Internet de son association, Defense Distributed, les dessins nécessaires à l’impression du Liberator. En gros, si vous possédez une imprimante 3D, vous pouvez désormais créer votre flingue chez vous (enfin, encore faut-il vous procurer une autorisation si vous souhaitez rester dans la légalité).
Mouvance pro-armes et crypto-anarchie
Si l’impression 3D n’est pas nouvelle – comme nous vous l’expliquions ici – imprimer une arme à feu qui fonctionne est une autre paire de manches : il faut, comme Cody Wilson, trouver un moyen pour que le flingue en plastique ne se détruise pas au premier coup de feu. Cette réussite pose bien entendu un gros problème au niveau de la régulation et de la législation entourant les armes à feu : quelles conséquences pourraient avoir l’impression d’armes à feu en 3D ? C’est la question que souhaite poser Defense Distributed, qui explique sur son site:
« Ce projet pourrait changer la façon dont nous envisageons le contrôle et l’utilisation des armes à feu. Quel comportement les gouvernements adopteront-ils s’ils doivent un jour agir en sachant que tous les citoyens ont accès à tout instant à une arme à feu via Internet ? Découvrons-le. »
Avec le projet Defense Distributed, Cody Wilson semble moins chercher à doter tous les citoyens d’une arme à feu qu’à démontrer les limites de l’action des autorités et donc à déstabiliser les gouvernements en place. Anarchiste et libertarien, Wilson a été classé parmi les quinze personnes les plus dangereuses de la planète par Wired en décembre dernier. Interviewé par The Guardian, il explique avoir été inspiré par Proudhon et Jean Baurdrillard, deux théoriciens qu’il a découvert au cours de ses études de droit. « J’aime leurs critiques de la culture de masse« . Concernant les armes à feu, il assène : « Je pense que nous devrions avoir le droit de posséder des armes automatiques; nous devrions avoir le droit de posséder tous les instruments de guerre (…). »
Plus surprenant, Cody Wilson explique admirer Julien Assange, fondateur de Wikileaks, et Kim Dotcom, créateur de MegaUpload puis Mega, tous deux connus pour leur amour de la transparence et du libre échange d’informations et leur habileté à déstabiliser les pouvoirs en place. Wilson se revendique donc, logiquement, de la mouvance crypto-anarchiste, comme il l’a expliqué à Ars Technica :
« Je ne me considère pas comme un expert en technologie mais comme un crypto-anarchiste. (…) Tim May a prédit Wikileaks et la monnaie digitale. Ce que je veux dire c’est qu’Internet et la cryptographie sont des outils anarchistes qui peuvent permettre à l’action citoyenne de prendre de l’ampleur. Nous aimons l’idée d’un marché passant complètement au noir et l’idée de priver l’État-nation de tout l’argent qu’il réclame ».
Dans son « manifeste crypto-anarchiste » de 1988, disponible en ligne, Tim May, ancien ingénieur chez Intel et spécialiste de cryptographie, écrit : « la technologie informatique est sur le point de permettre à des groupes et des individus de communiquer et d’interagir de manière totalement anonyme. (…) Ces développements altéreront complètement la nature des régulations par les gouvernements, leur habileté à contrôler les interactions économiques, à conserver des informations confidentielles et altéreront même la nature de la confiance et de la réputation« . C’est ce à quoi vise Cody Wilson en partageant les données nécessaires à la réalisation d’une arme en 3D sur son site Internet. Depuis leur mise en ligne hier, le jeune Américain tient le décompte, via son compte Twitter, du nombre de téléchargements :
(« Actuellement, l’Espagne est le pays téléchargeant le plus les fichiers sur le #Liberator. Suivi de près par les États-Unis »)
Steve Israel VS Cody Wilson
Mais, rassurez-vous, le projet de Cody Wilson ne passe pas totalement inaperçu aux États-Unis. Steve Israel, membre du Congrès américain, est bien décidé à stopper net le développement des armes à feu en 3D. Pour ce faire, Israel demande à ce que ce type d’armes soit explicitement interdites par l’Undetectable Firearms Act dont on vous parlait plus haut, qui arrive à expiration en 2013. Dans une interview à Forbes, il justifie sa démarche: « Je ne cherche pas du tout à réguler ou à réduire l’utilisation des imprimantes 3D. Ceci n’est pas à propos des imprimantes 3D mais au sujet de leur utilisation pour fabriquer une arme à feu qui ne puisse pas être détectée par un détecteur de métal ».
Contacté à plusieurs reprises, Cody Wilson n’a pas répondu à nos demandes d’interviews.
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