Le ministre de l’immigration a débattu de l’identité nationale avec les jeunes de l’UMP. Ses troupes ne l’ont pas beaucoup bousculé.
A l’UMP, on aime les cérémonies bien huilées. Quand Eric Besson fait l’honneur de sa présence aux jeunes du parti, une armée de petites mains s’active pour mettre la salle en ordre. Une seule rangée de chaises devant ça suffit, le reste debout ça fait plus dynamique. Le ministre entre à 21 heures, accompagné de Benjamin Lancar, président des Jeunes Populaires. Dans un fabuleux effet coiffé-décoiffé qui fait s’arracher les cheveux à l’organisation, Eric Besson bouleverse tout. « Prenez vos chaises et mettez-vous à côté de moi sur l’estrade. » Ouaah, font les militants, Frrrrrrr, fait la chaise. Petit sourire de satisfaction du ministre qui a mis le boxon : ça va commencer.
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Identité nationale. Le débat qui empoisonne la politique française depuis un mois se déroule aussi à l’intérieur du parti présidentiel. Rien de tel qu’une soirée d’hiver pour tâter l’état d’esprit du bataillon. Deux cents jeunes militants s’aventurent dans la salle au plus fort de la réunion. L’hôte, Benjamin Lancar, ouvre les pourparlers comme il sait le faire, d’un ton policé et réjoui qui rappelle son aîné Xavier Bertrand. Il s’agit de « savoir ce qu’on a dans les tripes », « pourquoi on aime tant la France ». Ah ben oui, opine la foule. Pour le jeune homme, « cette identité nationale est un plébiscite quotidien pour la France ». Dans une belle pirouette historique, il explique que « nos ancêtres sont des Gaulois malgré la diversité de nos origines ». Gaulois métaphoriques, mais Gaulois tout de même.
Le principe de la soirée : un échange courtois, émaillé de petites flatteries, pour le « travail formidable » de ces gens de bonne composition, représentant toutes les tendances de la majorité présidentielle. Jeunes progressistes (le mouvement d’Eric Besson), admirateurs de Christine Boutin, Jeunes pour la France (villiéristes), fractions régionales et sectorielles de l’UMP. Le défi pour le ministre n’est pas de gagner une bataille, mais de convaincre dans son propre camp. On a connu pire bousculade.
« Fiers d’être Français »
Après la droite décomplexée, la France désinhibée. La famille présidentielle a décidé de sortir son drapeau du placard. Peu importe le résultat, pour Eric Besson l’important c’est que tout le monde en parle. « Le succès populaire est acquis », explique-t-il. A lui seul, le « buzz » autour de l’identité nationale est objet de réjouissance. Un militant s’élève un peu vite contre la presse qui critique l’opportunité du débat, le ministre le rappelle à l’ordre : « Dis du bien des journalistes, même s’ils ne te le rendent pas. »
Intervention après intervention, les jeunes interrogent Eric Besson ou lui font allégeance. Il gagne même un « je vous aime » les yeux dans les yeux. Chacun a préparé son petit discours. « Fiers d’être Français », affirment beaucoup d’entre eux. Oui, c’était bien un slogan du Front national, mais la droite d’aujourd’hui a décidé de le brandir comme une devise. Certains formulent des propositions : service civique obligatoire après le bac, cours d’éducation civique, baptême des classes de 3e et de terminale au nom de grands hommes.
Multiculturalisme contre assimilation
Bien sûr l’immigration est au cœur du débat. Eric Besson répète « qu’il n’y a pas de Français de souche », « pas de peuple premier en France ». La moitié de la salle applaudit. L’éloge préalable du brassage et du métissage permet au ministre de réaffirmer son intransigeance patriotique.
Abordant les manifestations qui ont suivi les matches Algérie-Egypte, Eric Besson n’est pas à une contradiction près. Il constate « les réactions d’un certain nombre de jeunes, dont au demeurant on ne connaît pas la nationalité. La liesse me paraît légitime. L’utilisation du drapeau algérien ne me choque pas, mais c’est l’un des signes de l’ambigüité d’appartenance. Ils disent ne pas se sentir Français. Mais ils se racontent une histoire qui n’est pas la leur : en Algérie on ne les considère pas comme Algériens. Il faut faire en sorte qu’ils se sentent pleinement Français. » Subtilité de la démonstration, qui commence en douceur pour s’achever en conversion.
Une voix s’élève pour défendre le multiculturalisme. Celle d’Anissa Ferdjioui, élue à Savigny-Sur-Orge. « Plusieurs cultures, une seule nation », réclame-t-elle. « Ce ne sont pas seulement les nouvelles cultures qui doivent s’assimiler mais aussi les Français qui doivent nous intégrer », affirme l’élue. La salle fait la moue. Fin politique, Eric Besson saisit la formule au vol et plaide pour la réciprocité, le donnant-donnant. Bien joué, tout le monde se satisfait de son « vouloir-vivre ensemble qui doit venir des deux côtés ».
En quelques questions précises, la vacuité des échanges apparaît. Quand les militants parlent du refus de débattre affiché par certains Maghrébins rencontrés sur les marchés, ou regrettent le manque de patriotisme des enfants d’immigrés, Eric Besson botte en touche. Chaque fois, il dit sa volonté « d’essayer de comprendre » les raisons de ce malaise. Et confesse par là-même son incompréhension actuelle. A la sortie pourtant, Eric Besson est satisfait : « ce débat m’a donné des confirmations ».
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