Son NPA a perdu plus d’un tiers de ses adhérents mais Olivier Besancenot est regonflé à bloc: avec la Tunisie puis l’Egypte, il vient de vivre ses premières révolutions. Entretien.
C’est une différence entre vous et Mélenchon qui a une position plus protectionniste.
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Pour nous, l’heure est à l’anticapitalisme par-delà les frontières ! Nous étions les seuls à défendre des solutions comme la répartition des richesses, la réappropriation publique, le salaire maximum, l’interdiction des licenciements. Les autres partis les reprennent. Nous avons marqué des points sur le terrain des idées.
Qu’est-ce qui vous différencie des autres partis de gauche, s’ils reprennent vos idées ?
Ségolène Royal reprend l’idée d’interdiction des licenciements… Au NPA, on n’a pas l’instinct de propriété. Mais la question, c’est : comment fait-on pour appliquer ces idées ? Pour cela, il faut remettre en cause la propriété capitaliste et rompre avec les institutions dominées par le pouvoir économique.
Comment appréhendez-vous les prochaines échéances électorales ?
A partir des mouvements sociaux. Nous voulons fédérer les forces anticapitalistes qui militent en leur sein sur la base d’un programme. Il reste des traces des millions de manifestants contre la réforme des retraites. Même si Sarkozy a gagné, il n’arrive pas à se remettre de ce mouvement. Beaucoup ne veulent ni de la droite ni de la gauche molle.
La défense des retraites, c’est le contraire de l’image d’une révolution ?
Ce sont des acquis sociaux ! On a une fausse idée du déclenchement des révolutions. De quoi part la Commune de Paris en 1871? Le peuple ne voulait pas que les Prussiens s’emparent de Paris. Or, les révolutionnaires ne faisaient pas confiance à leur gouvernement pour les repousser. Une situation révolutionnaire se cristallise sur un événement qui ne l’est pas forcément, comme la convocation des banquets républicains de 1848 ou l’évacuation de la Sorbonne en 1968. Marx disait que chaque révolution connaît son « événement de banquet. »
Mélenchon veut une révolution par les urnes, vous c’est l’inverse ?
En Egypte ou en Tunisie, il ne s’agit pas de la révolution par les urnes. Le suffrage universel est compatible avec la révolution mais celle-ci ne saurait être une promesse électorale. Le NPA prône un modèle de société qui combine suffrage universel et démocratie directe où le peuple s’implique sans déléguer sa représentation politique à d’autres. Le NPA n’a pas construit sa pensée en fonction de Mélenchon. Qu’il dise, lui, où il en est.
Il tient un discours parfois très radical, parfois pas du tout. Il vient du système politique, il a été ministre et sénateur. Sa logique veut que l’on change les choses de l’intérieur. Au NPA, on pense que pour imposer des réformes audacieuses, il ne faut pas seulement changer le système mais changer de système.
Une alliance est-elle possible ?
A lui de dire s’il envisage de ne pas être candidat. Imagine-t-il faire campagne pour quelqu’un qui ne soit pas tête de file d’un parti politique, qui défendrait un programme anticapitaliste, sans servir demain de caution de gauche à un nouveau gouvernement socialiste ?
Mélenchon vous tend la main pour entrer au Front de gauche.
Oui, pour qu’on fasse sa campagne. Je respecte les militants PC, PG, LO, mais je ne leur dirais pas : « Je vais être votre candidat, venez derrière moi. » De plus avant le casting, il y a le scénario : l’anticapitalisme, c’est d’abord un programme, pas seulement un mot à la bouche. Peut-on mettre en oeuvre un programme anticapitaliste dans un gouvernement nommé par Strauss-Kahn ? Nous pensons que non.
En ce moment, Mélenchon tape sur DSK.
Il ne dit pas qu’il ne gouvernera pas avec lui. Le PC ne veut pas d’un candidat qui tape sur le PS. Le problème n’est pas seulement DSK, il n’y a pas un flic gentil et un flic méchant. Jamais un candidat socialiste n’a fait un pas plus à gauche une fois élu.
Le mouvement altermondialiste n’est plus ce qu’il était, les militants de la société civile venus au NPA à sa création sont partis…
Nous sommes à la croisée des chemins. Certains, comme Attac, le Dal, ont vécu dans une illusion que « le mouvement se suffise à lui-même »… Mais, dans ce cas, tu laisses les partis en place. Aujourd’hui, la gauche radicale atteint ses propres limites. Nous devons tenter une synthèse entre nous et les mouvements sociaux.
De la gauche radicale mélenchoniste au FN, la mode est à la défense de la République et de la laïcité. Aux élections régionales de 2010, Ilham Moussaïd, la candidate voilée du NPA à Avignon, a suscité la polémique.
Les féministes tunisiennes disent que la laïcité n’est pas négociable, qu’elle représente le premier rempart contre le radicalisme religieux. Mais elles précisent qu’il ne s’agit pas d’une laïcité à la française du moment, nouvel étendard d’une vision islamophobe.
Que pensez-vous du succès d’Indignez- vous, le livre de Stéphane Hessel ?
J’y vois l’un de ces petits indices qui définissent l’air du temps. Il n’y a plus besoin de convaincre que le capitalisme, c’est de la merde, et que le monde est injuste. Mais, si l’on garde sa révolte pour soi, cela produit de la haine, des dérives xénophobes. Une révolte, cela doit se partager dans un projet collectif.
Julian Assange est-il un révolutionnaire ?
Non, mais c’est un bon fouteur de merde, dans le bon sens du terme.
Propos recueillis par Anne Laffeter, Thomas Legrand et Bernard Zekri
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