Lauréat 2015 des Audi talents awards dans la catégorie Art contemporain, l’artiste Bertrand Dezoteux revient sur ses derniers films et présente son prochain projet, inspiré d’une simulation de voyage sur Mars.
Pouvez-vous nous parler du projet que vous réaliserez avec le soutien des Audi talents awards ? Etait-il en préparation depuis longtemps lorsque vous l’avez présenté aux membres du jury ?
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Cela faisait en effet un moment que j’y pensais. Je travaille en constituant des banques d’images. J’ai été interpellé un jour par la photographie d’un groupe d’hommes vêtus de marcels et caleçons et assis sur un tapis dans une étrange pièce aux volumes minimaux, recouverte de lambris. Ils portaient aussi des chaussettes avec toutes le même logo, Mars 500. J’ai découvert qu’il s’agissait d’une simulation de vol sur la planète Mars, un programme expérimental qui s’est déroulé en Russie en 2010-2011. L’expérience visait à reproduire les conditions d’un voyage aller-retour. J’ai été très surpris par l’atmosphère rustique, la mise en scène ne fait pas illusion, elle est complètement à rebours des représentations classiques de l’exploration, du voyage ou de la science fiction. On dirait qu’à mesure que l’on se rapproche d’un voyage concret, on tend vers une représentation beaucoup moins spectaculaire et romantique mais davantage ordinaire, voire ennuyeuse.
Quelle forme prendra le projet ?
Je le pense surtout comme un projet de recherche, documentaire et expérimental. Je souhaite travailler sur cette nouvelle esthétique du voyage dans l’espace (ses héros, leur manière de tuer le temps), notamment en invitant des spécialistes du domaine spatial. Cette recherche fait également l’objet d’une résidence à l’Observatoire de l’Espace du CNES. J’aimerais la finaliser pour l’automne 2016.
La science fiction est-elle une référence importante dans votre travail ?
Tous mes projets sont en effet traversés par la science fiction. Celui-ci l’est peut-être de façon plus évidente puisqu’il a un rapport direct avec l’espace, mais, pour moi, la science fiction est avant tout une façon d’observer le monde et la société (en cela j’ai été très influencé par la lecture d’Ursula Le Guin). J’avais par exemple réalisé en 2010 Zaldiaren Orena (l’heure du cheval), un film avec un robot visitant le Pays Basque. Mon dernier film, Picasso Land, imagine quant à lui une planète dont la population aurait été inventée par Picasso.
Le film Picasso Land, justement, actuellement présenté au Confort Moderne, à Poitiers, a été réalisé pour l’exposition « The Averty Show » consacrée à Jean-Christophe Averty. De quoi s’agit-il ?
L’un des points de départ de Picasso Land est une nouvelle de science fiction que j’ai écrite pour le dernier numéro de la revue Initiales, consacré à Averty. J’imaginais que je travaillais avec lui à la conception en 3d de Parade, le ballet d’Erik Satie et Jean Cocteau que Averty a adapté à la télévision. Picasso en avait conçu les costumes et la scénographie. Je me suis intéressé aux manières qu’avait Averty de jouer avec des références culturelles de l’histoire de l’art, la culture populaire ou la littérature. A la place de véritablement réaliser cette nouvelle version de Parade (cela ne me semblait plus nécessaire), j’ai cherché un biais pour appréhender l’œuvre de Picasso. Je voulais retrouver un étonnement vis-à-vis de ses formes et figures. J’ai donc commencé à modéliser en 3d ses personnages, ce qui impliquait notamment la nécessité d’en inventer l’envers. J’aime beaucoup la façon dont Picasso déjouait, ou déplaçait, les systèmes et les automatismes, j’ai essayé de construire le film comme ça. J’ai ensuite travaillé avec un danseur, Yaïr Barelli, dont j’ai capté les mouvements, pour faire bouger ce petit peuple.
http://www.youtube.com/watch?v=k-kCL651r2c
Picasso Land, extrait, 2015
A la façon de Picasso Land, chacun de vos films en 3d semble être l’occasion d’imaginer et de construire un nouveau monde aux propriétés singulières. Dans Animal Glisse par exemple, il s’agit d’une étendue d’eau que les personnages tentent de surfer…
Le monde de Animal Glisse tend vers une abstraction, il n’a pas vraiment de limites distinctes. Le film est inspiré de ma propre expérience de surfeur débutant. Je voulais retranscrire l’absence de points de repères, la désorientation mais également cette atmosphère particulière, le fait que l’on passe plus de temps à attendre, ou à ramer pour se repositionner, qu’à prendre des vagues… Je trouve intéressant de revisiter une situation réelle, vécue, avec une technique où tout est construit. Déjà, dans mes premiers films en 3d, je cherchais à filmer ces territoires totalement fabriqués et calculés avec le regard d’une caméra amateur ou documentaire, et donner l’impression que ces actions n’étaient pas préméditées.
Animal Glisse, extrait, 2015
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