L’échec cuisant du candidat de la gauche socialiste va laisser des traces indélébiles. Au risque de voir éclater un parti à bout de souffle et dont beaucoup de membres se sont déjà tournés vers En marche !.
“La gauche n’est pas morte”, déclarait Benoît Hamon le soir de sa défaite cuisante – 6,3 % – au premier tour de l’élection présidentielle. La gauche, peut-être pas, mais quid du PS ? A l’heure où le parti n’a jamais semblé aussi divisé, irréconciliable – d’un côté, les tenants d’une position plus social-libérale (Stéphane Le Foll et consorts), souhaitant écarter les écologistes, et, de l’autre, ceux communément appelés les frondeurs, réunis autour d’Hamon –, la défaite du député des Yvelines pose en effet la question, au-delà de son avenir personnel, de celui du PS. Survivra, survivra pas ? Suivra ou non Macron aux législatives ?
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Entre un Gérard Filoche désirant “un recentrage du PS vers la gauche” – et d’ailleurs “en colère que Mélenchon et Hamon n’aient pas trouvé un accord” – et un Jean-Marie Le Guen, rallié à Emmanuel Macron et déclarant au JDD que les deux franges du parti n’ont “plus grand-chose à faire ensemble” et qu’il faut “que la gauche de responsabilité soit présente dans la majorité d’Emmanuel Macron”, le divorce semble acté. Mais qui obtiendra la garde des enfants, et à quel prix ?
Manuel Valls enterre le PS dès le lendemain des résultats
Un état de fait résumé par le président de l’Office universitaire de recherche socialiste, Alain Bergounioux, qui appelle de ses vœux à “un rassemblement le plus large possible” après le second tour ; le parti “continuera à exister : le problème, c’est de savoir comment et avec qui”.
Manuel Valls, partisan d’un rapprochement avec Macron – et d’une alliance avec En marche ! en vue des législatives, a contrario d’une majorité d’hamonistes – n’a pas perdu de temps pour acter sur France Inter, dès le lendemain matin de la défaite, “la fin d’un cycle, la fin d’une histoire” : “Ceux qui ne partagent pas les mêmes idées peuvent-ils encore être dans la même famille politique ? Je ne le crois pas.” L’ex-frondeur Christian Paul n’y croit pas non plus, et confiait dès dimanche soir que “le schisme est inévitable”.
Du côté des équipes d’Hamon, le ressentiment envers les vallsistes partis vers En marche ! est en tout cas prégnant : jamais les deux lignes politiques du parti à la rose n’ont semblé aussi éloignées. “Il y a une certaine aigreur à l’égard des traîtres, résume Clément Messence, membre de l’équipe de campagne d’Hamon. C’est un immense gâchis. Maintenant, il va falloir faire un grand ménage.”
Même discours chez une militante encartée PS, qui appelle maintenant à “exclure du parti les éléments perturbateurs” : “Comme lors de la campagne de Ségolène Royal en 2007, ils ont tué leur propre candidat. Cambadélis aurait dû être plus derrière lui, être plus ferme par rapport à ceux qui ont rallié Macron.”
Un nouveau mouvement pour Benoît Hamon ?
Dominique Bertinotti, elle, ne semble pas plus surprise que cela de la défaite d’un PS présenté par beaucoup comme à bout de souffle. Présente à la Mutualité, l’ex-ministre déléguée à la Famille sous François Hollande acte le début de la crise du parti “il y a dix ans, voire vingt ans” : “Je sais à quel point le PS peut s’autodétruire. Ceux qui ont descendu Royal en flèche en 2007 n’ont pas soutenu Hamon non plus aujourd’hui… Il y a besoin de recomposer tout cela.”
Bertinotti ne sait pas si “son avenir est au sein du PS ou à l’extérieur”. Un cas de conscience qui semble étreindre plusieurs hamonistes, à l’image de ce proche du candidat : “C’est peut-être la fin du PS… et de notre présence dans ce parti. Il va y avoir des règlements de comptes, notamment au congrès socialiste, dans six mois.”
“Reconstruire, mais en dehors du PS, qui a une image trop négative” Chantal, 70 ans
La création d’un nouveau mouvement autour de Benoît Hamon – ou du moins un continuum de son projet –, certains militants en rêvent, à l’image de Chantal, 70 ans, qui souhaite qu’il “reconstruise quelque chose, mais en dehors du PS, qui a une image trop négative”. Idem du côté d’Eden, qui arbore un T-shirt “Bilal, Elie, Benoît”.
“On a un projet ambitieux, de long terme. On a réussi à mettre notre projet au cœur du débat public. Ce n’est pas fini.” Une satisfaction partagée par Julia Cagé, intellectuelle en charge des questions économiques du programme du socialiste : “Le revenu universel d’existence a été l’idée principale de cette campagne, qui aurait pu tourner autour des questions identitaires. C’est une grande victoire.”
Un putsch interne pour un changement de génération
Mais la menace que Benoît Hamon et ses partisans soient poussés vers la sortie du parti plane. C’est du moins une option que le politologue Christophe Bouillaud estime plausible : “Le Premier secrétaire pourrait décider de faire un putsch interne au parti, pour imposer une ligne pro-Macron.”
Pour lui, “l’avenir du PS, éclaté façon puzzle, est sombre”. Rien de bien surprenant : “Tous les partis sociaux-démocrates qui ont mené une politique d’austérité, comme le PS, ont sombré. Benoît Hamon a souffert de ne pas réussir à se détacher de cette étiquette.”
Yann Capet, député socialiste du Pas-de-Calais, conscient du fait que “les partis traditionnels ne parlent plus aux Français”, estime nécessaire que “le PS fasse sa révolution copernicienne”. Un avis partagé par son homologue de Seine-Saint-Denis, Daniel Goldberg, pour qui il est à présent temps “que toute une génération passe la main”.
Les élections législatives s’annoncent tendues. Tandis que des ténors du PS ne veulent pas “une élection présidentielle bis” – comprendre : ne pas avoir Benoît Hamon en tête de gondole – et verraient plutôt Bernard Cazeneuve mener la campagne, l’incertitude quant à l’attitude à adopter concernant la probable victoire de Macron au second tour est également bien présente. “Il va y avoir un déchirement entre ceux qui voudront former une alliance avec les macronistes et ceux qui préféreront se maintenir dans la vieille maison, estime Christophe Bouillaud. En bref, le PS est bien parti pour souffrir longtemps.”
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