Pour l’historien Benjamin Stora, président du conseil d’orientation du musée de l’Histoire de l’immigration, la seule réponse est de contrer la montée des extrêmes identitaires et faire œuvre de pédagogie.
Comment imaginez-vous l’éventuelle récupération politique à venir ?
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Benjamin Stora – Dans la lecture de la tragédie actuelle, la tentation est celle de la revanche, attisée par les “identitaires” qui ne veulent pas entendre parler du “vivre-ensemble”, mot d’ordre de vie commune qu’ils tiennent absolument à détruire depuis de nombreuses années.
La société française vous semble-t-elle une “société en guerre”, comme Hollande et Valls le disent ? Comment comprendre le sens du mot “guerre” ?
J’ai vécu la sensation de guerre étant enfant, je l’ai racontée dans mon livre Les Clés retrouvées : la peur de perdre ses parents qui ne vous quitte pas, le soupçon à l’égard de l’autre, les fouilles incessantes et banalisées, les circulations difficiles dans l’espace urbain, la vie confinée à l’intérieur des maisons… Cette sensation-là de guerre n’existe pas encore. La France n’a pas connu la guerre sur son sol depuis 1945, depuis trois générations. L’habitude d’une culture de guerre s’est perdue ; mais il existe, durablement installé, la culture démocratique et de l’humanisme. C’est cette culture-là que j’ai retrouvée en arrivant à Paris dans les années 1960, qui a forgé mon caractère, ma personnalité intellectuelle. Elle est encore solidement enracinée dans de larges secteurs de la société.
Comment parvenir à combattre le développement des crispations identitaires dans la société française ?
Ne pas céder sur le principe de la culture démocratique, ne pas céder aux discours de haine, éviter comme le disait Camus que se “perpétuent les noces sanglantes de la répression et du terrorisme”.
La mission politique et pédagogique du musée de l’Histoire de l’immigration, qui vient d’inaugurer une exposition sur les frontières, participe-t-elle de cette bataille culturelle ?
Oui, c’est essentiel, car nous assisterons désormais à la montée des extrêmes identitaires, à base de communautarisme religieux et de revanches à prendre. Des discours et des pratiques qui visent à séparer, à opposer. Poursuivre l’enseignement de l’histoire de l’immigration permet non seulement de reconnaître l’autre, mais conduit aussi au renforcement de la cohésion de la nation sur la base de la reconnaissance mutuelle, du respect des principes républicains et démocratiques. Cette bataille sera difficile dans une opinion publique tentée de rejoindre les mémoires dangereuses qui veulent bouleverser nos sociétés.
Propos recueillis par Jean-Marie Durand
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— les inrocks (@lesinrocks) 20 Novembre 2015
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