La tête baissée et le regard dans le vide. Actuellement, c’est à ces signes que se reconnaît un militant socialiste. Il fallait les voir, les “camarades”, réunis samedi 3 décembre en meeting porte de la Villette, à Paris. Complètement groggy, après les mots définitifs de François Hollande prononcés l’avant-veille : “Je suis conscient des risques que ferait courir une […]
La tête baissée et le regard dans le vide. Actuellement, c’est à ces signes que se reconnaît un militant socialiste. Il fallait les voir, les “camarades”, réunis samedi 3 décembre en meeting porte de la Villette, à Paris. Complètement groggy, après les mots définitifs de François Hollande prononcés l’avant-veille : “Je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi, j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle.” Baissez le rideau.
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L’hypothèse d’une candidature hollandaise ayant fait “pschitt”, la convention nationale de la Belle Alliance populaire (la BAP pour les intimes) n’a guère ressemblé à ce qu’elle aurait dû être. Elle se voulait le coup d’envoi enthousiaste de la primaire à gauche : elle s’est inévitablement transformée en une séance poussive de psychothérapie de groupe. Scénario cauchemardesque pour Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste, qui souhaitait faire de ce grand raout la rampe de lancement de l’entrée en campagne du Président.
D’abord saluer le courage de François Hollande
La date avait été choisie sur mesure : une semaine après la désignation du vainqueur de la primaire de droite, François Fillon, afin de pouvoir bien lui taper dessus. Au final, les responsables socialistes qui se sont succédé à la tribune lui ont quand même tapé dessus, mais beaucoup moins gaiement que prévu.
Car le roi Hollande est mort. Alors il faut bien verser des larmes, fussent-elles de crocodile. Dès le début du meeting, Rachid Temal, le secrétaire national du PS chargé de la coordination et de l’organisation, lance aux militants : “On peut saluer le courage de Hollande.” Longue ovation de la salle, debout, durant plusieurs minutes.
Quand les applaudissements commencent à se faire plus rares, Temal exhorte les troupes : “On peut encore l’applaudir !” Et voilà l’hommage au futur ex-Président reparti de plus belle… L’exercice d’exorcisation du désarroi socialiste fonctionne à plein ; la foule relève timidement la tête.
Enfin, “foule”, il faut le dire vite… 2 500 personnes seulement ont fait le déplacement, alors que le premier secrétaire tablait au mois de septembre sur une participation quatre fois supérieure. Du côté des candidats à la primaire, seuls les écologistes François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias sont de la partie. Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon ont eux choisi de sécher ostensiblement le rendez-vous – sans doute avaient-ils piscine tous les trois.
Marisol Touraine fière du bilan du gouvernement
Qu’à cela ne tienne, les (rares) têtes d’affiche politiques présentes s’attellent à regonfler le moral des forces en présence. Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes, fait mouche auprès du public en s’en prenant aux frondeurs sans les nommer.
“Les critiques les plus virulentes de l’action que nous menons viennent toujours de nos rangs. Pour certains, il faut toujours remettre en cause la décision de la majorité. Nous, les militants, les hommes et les femmes de gauche, sommes notre premier adversaire. Cela doit cesser.”
Plusieurs ministres sont ensuite missionnés pour mettre du baume au cœur des militants. Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, ouvre le bal en les appelant à être “fiers et heureux” du bilan hollandais. “Je suis fière, avec le gouvernement d’avoir permis aux Français de bénéficier du tiers payant généralisé !”, rappelle-t-elle. Avant d’égratigner la droite filloniste, ayant “la nostalgie d’un temps où les homosexuels ne pouvaient pas s’aimer sans se cacher”. Succès garanti dans l’assistance.
“Nous allons être assez cons pour nous tirer une balle dans le pied”
L’ineffable Jean-Vincent Placé, secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la Simplification, prend à son tour la parole. “Nous avons eu un choc, jeudi soir, ça fait du bien de se retrouver en famille”, reconnaît-il. Vantant tout d’abord le bilan écologique du chef de l’Etat, “le meilleur d’une présidence française de l’histoire de notre République”, il tient ensuite à faire savoir que “le quinquennat de Hollande, c’est le quinquennat de l’éthique, de la transparence et du retour de la morale publique”. Et tant pis pour les affaires Cahuzac, Morelle et Thévenoud…
Les ministres ont beau tenir des discours enflammés pour redonner de la vigueur aux militants, l’atmosphère reste lourde dans la salle. “Comment va-t-on faire campagne ?, s’interroge Bernard, militant à Créteil depuis 1981. En disant que le bilan de Hollande est tellement formidable qu’il ne se représente pas ? Notre position est intenable.”
L’émiettement des candidatures à gauche est l’élément qui agace le plus les sympathisants présents. “Le fait que Mélenchon et Macron refusent de participer à la primaire nous condamne par avance, croit savoir Catherine, une sympathisante socialiste venue du Finistère. Fillon est un candidat caricatural par son ultralibéralisme et son ultraconservatisme. Il nous offrait un boulevard, mais nous allons être assez cons pour nous tirer une balle dans le pied…”
L’impossible unité
Ce risque de division, Jean-Christophe Cambadélis l’a bien anticipé dans son discours de clôture, en appelant le leader du Parti de gauche et celui d’En marche ! à inscrire leur candidature dans le cadre de la primaire à gauche. “Faites en sorte que l’unité se réalise !”, les a-t-il suppliés.
C’est ainsi que le public encore présent à la Villette s’est enfin réveillé en scandant “U-ni-té, U-ni-té, U-ni-té !”. Dès le lendemain matin, Macron comme Mélenchon opposent une fin de non-recevoir à l’appel au rassemblement.
Lundi, Manuel Valls devait annoncer sa candidature – dans le cadre de la primaire –, au grand désarroi d de Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, qui n’avait pas été prévenu. La Belle Alliance populaire n’avait de belle, d’alliance et de populaire que le nom. Clara Bamberger
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