Des Beatles aux White Stripes, trente-trois groupes ou artistes musicaux vus par autant d’auteurs. Une formidable introduction à la BD actuelle.
Le rock et la BD possèdent un point commun qui les rend inestimables à 17 ans : ce sont des plaisirs réservés. Inaccessibles aux parents et aux cons. Un fuck off au bon goût, au mainstream et à la maturité, ce passeport idiot pour l’âge adulte. Arts empiriques et rebelles, portes dérobées sur l’imaginaire, le rock et la BD entretiennent depuis toujours sur les étagères adolescentes de fertiles relations de voisinage. Du Rêve de Meteor Slim de Frantz Duchazeau au pétard punk Debaser de Raf ou à la pochade grinçante Allegretto deprimoso de Romain Dutreix (pour ne prendre que quelques – bons – exemples récents), les auteurs de BD puisent abondamment leur inspiration dans la mythologie du rock.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dès sa couverture, déclinaison de la pochette dessinée par Crumb pour l’album Cheap Thrills de Big Brother & The Holding Company, Rock Strips s’inscrit dans cette histoire commune. Trente-trois auteurs ont reçu carte blanche pour évoquer, en quatre à six pages, un groupe ou artiste rock majeur. C’est cette liberté totale qui donne bien entendu son intérêt au projet, qui n’est en rien une académique “histoire du rock en BD”. Aucun artiste n’a d’ailleurs retenu l’option biographique, Nylso posant explicitement dans sa délicieuse évocation de New Order et Joy Division la question fondamentale : comment parler de musique si on est privé de son ?
Dans Rock Strips, il y a autant de réponses que de participants. Beaucoup choisissent les souvenirs personnels, comme Serge Clerc (les Stranglers), Jean-Christophe Menu (les Sex Pistols), Luz (LCD Soundsystem), Guillaume Bouzard, qui a vu Nirvana, ou Mathieu Sapin, qui n’a pas vu les White Stripes. D’autres se laissent porter par la musique (les Beatles d’Obion, Pink Floyd de Li-An), les paroles (Little Richard de Blexbolex, Nick Drake de Vincent Vanoli) ou la légende (extraordinaire Elvis Presley de Ruppert & Mulot). D’autres encore recourent à la fiction (AC/DC d’Appollo et Brüno, le poignant Johnny Thunders de Stéphane Oiry). Mais quelle que soit l’option retenue, tous parviennent à transcender leur sujet pour imprimer leur style, du Metallica illustré de Riad Sattouf à l’entomologie des Pixies par Jochen Gerner, du fascinant Bowie de Nine Antico aux fulgurants Ramones de Sébastien Lumineau.
Et c’est pourquoi le fan de musique en apprendra certainement moins sur ces groupes maintes fois documentés que le lecteur occasionnel de BD sur des auteurs rarement exposés en tête de gondole. Mieux qu’un exercice imposé, Rock Strips est avant tout une formidable introduction à la BD actuelle. Et bien entendu, dès le livre refermé, on se prend à rêver du contenu d’un tome 2. Public Enemy par Run ? Les Mamas & Papas par Lucie Durbiano ? Les Misfits par Olivier Texier ? Les Stone Roses par Kerascoët ? La liste, comme la passion, est infinie…
{"type":"Banniere-Basse"}