La vie d’une petite fille perdue dans un monde adulte compliqué. Un récit délicat et émouvant, par la jeune Suédoise Joanna Hellgren.
Le premier tome de Frances, de la jeune auteur suédoise et francophile Joanna Hellgren, avait aiguisé curiosité et intérêt. On y suivait l’arrivée de Frances, une petite fille dont le père venait de mourir, chez sa tante et son grand-père sénile.
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Entre la difficile cohabitation, la douloureuse acceptation de la disparition de son père, les visites d’horribles cousines et de leur mère méprisante, la perte des amis d’autrefois et la révélation de l’homosexualité de sa tante, la fillette, pourtant dégourdie, cherchait sa place dans un environnement déstabilisant.
Et Joanna Hellgren, de son trait délicat, excellait à représenter les tourments, les interrogations, les découvertes et les petites joies de Frances, confrontée au monde compliqué des adultes.
Dans ce deuxième tome, Joanna Hellgren creuse son intrigue. L’histoire d’amour entre la tante et Louise, jeune romancière androgyne, prend corps. Troublée par le récent livre de cette dernière, qui traite d’une relation compliquée entre une fille et sa mère, Frances s’interroge sur sa propre mère, disparue après sa naissance.
En parallèle, Joanna Hellgren revient sur le passé mystérieux des parents de Frances. Leur tragique destin prend le pas sur l’histoire de la fillette, mais habilement, Joanna Hellgren laisse les deux trames se rejoindre.
Malgré la complexité accrue de la narration, l’auteur parvient à conserver l’extrême fluidité qui faisait la force du premier épisode. Autour d’un point de départ modeste, Joanna Hellgren tisse un récit dense, à la fois lent et palpitant, dans lequel on se laisse prendre petit à petit.
Elle avance pas à pas, maintient de nombreux éléments dans le flou, et distille une à une les clés du passé. Le décor participe à cette sensation de secret trop bien gardé. Frances se déroule tantôt dans une grande ville dont on ne connaît pas grand chose, tantôt dans une campagne bucolique mais retirée du monde.
Pudique et sensible, Joanna Hellgren l’est aussi dans son trait, tout au crayon. A travers son dessin léger et subtil, elle suggère plutôt qu’elle n’explicite, rend le tourbillon des événements aérien malgré leur noirceur. Telles de grandes respirations, quelques pleines pages oniriques viennent ponctuer le récit et ajouter à son charme lancinant.
Alors que la bande dessinée n’est pas avare de drames familiaux larmoyants, Joanna Hellgren fait preuve d’une immense finesse dans la psychologie de ses personnages et la description de leurs sentiments.
Jamais compassés, jamais clichés, ils agissent, s’aiment, s’expriment avec naturel. Ils sont vivants, et très vite, on s’attache énormément à eux. Un seul regret : Frances sera une trilogie. Il ne reste donc plus qu’un épisode et il faudra attendre de trop longs mois avant de pouvoir nouer tous les fils de cette émouvante chronique d’enfance.
Frances – Episode 2 (Cambourakis), 122 pages, 19€
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