Cinq supporters étaient jugés hier et aujourd’hui au tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir déployé la « fameuse » banderole anti- Ch’tis au Parc des Princes, le 29 mars 2008.
« Pédophiles, chômeurs, consanguins: bienvenue chez les Ch’tis. » En mars 2008, cette banderole, arborée pendant un match opposant le PSG au Racing Club de Lens, a provoqué un tollé dans l’opinion publique. Mais d’après les cinq supporters, qui étaient entendus aujourd’hui et hier par le tribunal correctionnel de Bobigny, ce slogan était juste une blague potache qui aurait mal tourné.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La bannière a été exhibée pendant trois minutes, le 29 mars 2008,
en finale de la coupe de la Ligue. Fabriquée, la veille dans les locaux du Parc des Princes, elle a été découpée en 11 parties réparties entre les fans du PSG lors d’un rassemblement Place Saint Michel, à Paris, avant le match.
Aucune déclaration n’avait été faite en préfecture, malgré la réglementation en vigueur, et les morceaux de tissus avaient été enroulés autour du torse des jeunes gens pour être introduits dans le stade.
Après deux ans d’instruction, les cinq supporters du club parisiens, âgés de 22 à 32 ans, comparaissaient pour « provocation à la haine ou à la violence lors d’une manifestation sportive. » Le procureur a requis des peines de 2 et 3 mois de prison avec sursis, une amende de 300 euros et des interdictions de stade de 3 à 5 ans.
Cinq autres personnes ont été interpellées dans cette affaire. Ignorant la nature de l’inscription, elles ont bénéficié d’un non lieu. Sur les bancs de la partie civile, les avocats sont nombreux, ils représentent le PSG, le Racing Club de Lens, la ville de Lens et la région Nord-Pas-de-Calais, la ville de Lille, la Fédération Française de Football (FFF) et la Ligue Française de Football (LFF), ainsi que le stade de France.
Pendant les auditions, certains prévenus semblent presque étonnés de se retrouver devant un tribunal.
« Les supporters se répondent match après match, par des banderoles interposées qui sont de plus ou moins mauvais goût », explique Maître Jérôme Triomphe, avocat d’un des prévenus.
Pour les cinq accusés, cette banderole n’était rien de plus qu’une joute classique entre ultras. « C’est un peu votre Haka à vous », résume un avocat à la défense.
Se défendant de tout préjugé à l’égard des nordistes, les jeunes hommes précisent que le texte fait référence au film de Dany Boon, et ne vise pas la population.
« Je n’ai pas dit à une personne identifiée vous êtes pédophile » argue Vincent B.
Dans les tribunes, les avocats de la partie civile protestent et murmurent « mais si, mais si … « . Dans sa plaidoirie, le représentant de la ville de Lens et de la région Nord-Pas-de-Calais, Maître Lévy, a pourtant insisté sur « l’émoi » provoqué par cette banderole dans sa région.
Mais les prévenus ne se détournent pas de leur ligne de défense: ils voulaient faire de l’humour. Alexandre D, plus jeune de la bande, tente (maladroitement) de se justifier: « Nous voulions juste faire du Charlie Hebdo, du Coluche, du Desproges ». Mais l’élève n’égale pas toujours son maître…
Alexandre D et Vincent B, supporters du club parisien depuis une quinzaine d’années, sont présentés comme les deux « cerveaux », de l’affaire. D’après eux, le texte aurait été imaginé quelques semaines avant le match, dans un bar, en présence d’une trentaine d’adorateurs du ballon rond.
Les autres prévenus n’ont pas fabriqué la banderole et en ont eu connaissance tardivement. Ils étaient entendus pour l’avoir l’introduite dans le Parc des Princes ou aidé à la remettre en place.
« J’ai bien senti que ça pouvait être mal ressenti par les personnes qui ne sont pas initiées à l’humour des supporters », dit Julien L, ex membre du groupe ultra Boulogne Boys (dissout en avril 2008).
Pourtant il ne dit rien, « solidarité » oblige, et intervient pour remettre les morceaux de tissu dans le bon ordre pour, dit-il, « sauver l’honneur du club ».
Le PSG fait l’objet de vives critiques de la part de ses supporters et de leurs avocats. L’équipe parisienne réclame la somme de 135 000 euros de dommages et intérêts aux cinq jeunes hommes. Vincent B souligne pourtant sa responsabilité, et soutient même qu’un de ses salariés avait approuvé son texte.
Pendant sa plaidoirie, Maître Yilmaz, conseil de la défense, pointe les failles concernant les règles de sécurité -le PSG a écopé d’une amende de 30 000 euros pour ces manquements et l’absence de réactivité lors du déploiement de la banderole-. Des critiques balayées du revers de la manche par maitre Bloch, représentant de l’équipe: « Le PSG est seulement partie civile et pas prévenu! ».
Le tribunal la mis sa décision en délibéré : les ultras devront attendre le 7 janvier pour être fixés sur leur sort. A la sortie du tribunal, leurs avocats se montrent relativement confiants, « Après ces deux jours d’audience l’incitation à la haine et à la violence, nous n’en avons aucune preuve » estime maître Béthune de Moro.
Emilie Guédé
{"type":"Banniere-Basse"}