Les éditions de Varly ont annoncé qu’elles renonçaient à leur projet.
Les éditions de Varly, qui œuvrent pour la sauvegarde du patrimoine de la bande dessinée, avaient pour projet de rééditer Les aventures de Bamboula, du dessinateur Mat. Sans anticiper la polémique qui allaient naitre après cette annonce. Blâmée pour ses stéréotypes racistes et l’image qu’elle véhicule des noirs, la bande dessinée ne choquait peut-être pas dans les années 50, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
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Créé en 1951 dans le contexte de l’après-guerre, le personnage de Bamboula est un petit garçon noir qui débarque dans une famille française, après avoir quitté son Afrique natale. Georges Fernandes, responsable des éditions de Varly, le présente comme « le petit garçon que tous les parents rêvent d’avoir« . « Il va faire preuve de pertinence, d’intelligence, d’honnêteté, de courage et d’une grande envie d’apprendre« , écrit-il en guise de présentation de l’album, sur le site Amazon.
Mat, « un homme de cœur »
S’il soutient le personnage de Bamboula, Georges Fernandes défend également son auteur. « […] Marcel Turlin, dit ‘Mat’ (1895-1982), était un homme de cœur. Il aimait faire rire les enfants et il détestait l’injustice. Il souhaitait la fraternité entre les hommes… » Dans cette perspective, le dessinateur parisien aurait « voulu prendre à contresens les idées de son époque », peut-on lire sur Amazon.
Alors publiés chez l’éditeur Rouff entre 1952 et 1960, les albums des aventures de Bamboula avaient rencontré peu de succès. Georges Fernandes l’explique par la position de Mat, alors à contre-courant des idées de l’époque. Le contenu de l’album est, pour l’éditeur, « le contraire de la connotation raciste« , dans un contexte où il « n’était pas logique de dire du bien des hommes de couleur« , rapporte ActuaLitté.
En 1980, le festival de la BD d’Angoulême avait consacré une rétrospective à l’oeuvre de Mat, partisan d’humour loufoque et créateur fécond de Bouclette,Viviane ou encore Moustache et Trotinette.
Une représentation qui ne passe pas
Le français approximatif de Bamboula et sa méconnaissance de la société occidentale donnent lieu à des gags jugés aujourd’hui déplacés et intolérables. On le voit notamment mettre le feu à la cuisine, après avoir construit un bûcher sur lequel rôtit un poulet. « Ti va voir Midame si ça y en a fameux poulet rôti a li mode di chez nous ! » s’exclame-t-il devant une femme catastrophée.
Pour plusieurs personnalités médiatiques, cette représentation des africains ne passe pas. Mercredi 10 janvier, l’animateur guadeloupéen Claudy Siar s’est insurgé contre la réédition de la BD. « Si cette maison d’édition ose aller au bout de son projet, je débarque dans leurs locaux et ça va chauffer ! » a-t-il écrit sur Twitter.
En France, les #EditionsDeVarly s’apprêtent à rééditer en février prochain l’une des #BD les plus racistes de l’après guerre (1952-1960) LES AVENTURES DE BAMBOULA ! Si cette maison d’édition ose aller au bout de son projet, je débarque dans leurs locaux et ça va chauffer !! pic.twitter.com/Rae9U6r8E6
— Claudy Siar (@Claudy_Siar) January 10, 2018
Le porte-parole de La France insoumise Alexis Corbière s’est également positionné contre « le commerce du racisme et textes antisémites« .
Bien.Il ne fallait pas rééditer cette BD aux clichés racistes "Bamboula". Non au commerce du racisme et textes antisémites !Que les historiens travaillent, aident à comprendre, que les archives soient accessibles, etc.Mais à quoi bon rediffuser largement ? https://t.co/gfAmAd3hvp
— Alexis Corbière (@alexiscorbiere) January 10, 2018
« Il est peut-être plus facile de s’en prendre à un petit éditeur spécialisé dans le patrimoine »
Dans son introduction de l’ouvrage, le responsable des éditions de Varly pointait du doigt la nécessité de rééditer l’oeuvre, en tant que document historique, relate Jeune Afrique, qui a pu la consulter. « Si nous effaçons tout ce qui nous dérange dans le passé, nous n’aurons plus d’Histoire« , expliquait-t-il.
Pourtant, face à la vague d’indignation, la maison d’édition a renoncé à rééditer Les aventures de Bamboula. Dans un mail envoyé à la rédaction radio de La1ere, l’éditeur présente ses excuses à ceux qu’il a pu blesser. « Nous rappelons que ce n’était pas une création mais le projet d’une réédition d’un album qui est déjà disponible sur internet dans les sites de ventes d’occasions et aussi depuis plusieurs années sur le site de la cité de la BD d’Angoulême… » Et conclut : « Nous ne produirons pas l’album.«
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