“A quoi bon tuer aveuglément ? Pourquoi tuer les civils ?” Hier soir, lors d’une interview réalisée par David Pujadas pour France 2, le président syrien Bachar Al-Assad s’est défendu de toute utilisation d’armements non conventionnels contre son peuple.
C’est une scène surréaliste autant qu’inédite. Hier soir, lors du journal de 20 h, le président syrien répondait calmement aux questions de David Pujadas devant les caméras de France 2. Le journaliste s’était rendu la semaine dernière à Damas pour une rencontre filmée avec Bachar El-Assad : une première pour un média français depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. Voici ce qu’il fallait en retenir.
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La France et les Américains, responsables du conflit
“Dès les premières semaines du conflit, débute Bachar El-Assad, les terroristes se sont infiltrés en Syrie avec l’appui d’Etats occidentaux et régionaux. Ils ont commencé à attaquer les civils et détruire des propriétés publiques et privées. Si ce que vous disiez était vrai, comment un président qui a agi de façon brutale envers sa population aurait-il pu résister pendant quatre ans ? Peut-on avoir le soutien de son peuple quand on est brutal avec lui ?”
Le ton est donné. En plus d’être parfaitement rodé, le discours de Bachar El-Assad est orienté sur des responsables précis, les « terroristes« , mais aussi tout particulièrement l’Occident. La France, d’une part, est accusée d’avoir “soutenu ces djihadistes en les considérant comme une opposition modérée”. Quant aux Etats-Unis, c’est sous leur supervision que “le groupe Etat islamique est né en Irak en 2006”. Par la suite, “le groupe Etat Islamique est venu d’Irak en Syrie car le chaos est contagieux” poursuit le président syrien.
“Ceux qui, à l’heure actuelle, reçoivent un soutien et possèdent des armes occidentales, évoque Assad au sujet des rebelles soutenus par la coalition internationale, appartiennent au groupe Etat islamique. Armé et équipé par votre Etat. Et d’autres pays occidentaux.”
Aucune utilisation des armes chimiques
Nullement convaincu par les documents et photos apportés par David Pujadas, qu’il ne considère pas comme des preuves,Bachar El-Assad reste intangible. “Vous n’utilisez pas de barils explosifs ?” demande le journaliste évoquant ces barils bourrés de TNT et de morceaux de métal. « C’est quoi un baril explosif ?” lui répond le chef d’Etat.
Discuter du gaz de chlore ne le déstabilise pas non plus ; le président syrien certifie que les deux usines du pays sont fermées ou aux mains des terroristes. “De toutes manières, nous n’en avons pas besoin. Nos armes conventionnelles sont bien plus efficaces que le chlore.” Et de conclure :
“Aucune armée au monde, y compris la nôtre, n’accepterait d’utiliser des armes qui ne peuvent pas cibler avec précision, car elles n’auraient aucun intérêt. (…) Nous avons des bombes conventionnelles et des armements classiques. Nous n’avons aucun armement qui puisse être utilisé aveuglément. C’est tout.”
Des contacts avec le renseignement français
Par la suite, le dictateur confirme l’existence de contacts entre les services de renseignement français et syrien, « mais il n’y a pas de coopération » nuance-t-il.
« Nous avons rencontré certains responsables de vos services de renseignement mais il n’y a pas de coopération (…). Ce sont eux qui sont venus en Syrie, pas nous qui sommes allés en France. Ils sont peut-être venus pour un échange d’informations. Mais lorsque vous souhaitez établir ce genre de coopération, ça va dans les deux sens. Nous vous aidons, ils nous aident en retour » explique-t-il sans jamais les nommer.
Attendant de la France qu’elle prouve à son pays qu’“elle ne soutient pas les terroristes”, Bachar Al-Assad se dit toujours ouvert au dialogue avec tous les pays.
150 344 morts depuis 2011
“Il n’y a pas eu de contraintes sur les questions. Nous étions totalement libres. Ils n’ont pas essayé de connaître les questions” à l’avance, a plus tard certifié David Pujadas au journal 20 Minutes, après avoir confessé qu’il attendait cette interview depuis un an et demi. « Ce qui a plaidé en notre faveur, c’est que nous avons une large couverture du conflit sur France 2. (…) Les conditions de sécurité étaient drastiques. On ne connaissait pas le lieu de l’interview dix minutes avant.”
Les positions sur lesquelles Bachar El-Assad campe semblent à des années-lumières des chiffres évoqués par l’Observatoire syrien des droits de l’omme (OSDH) : plus de 150 000 personnes ont été tuées en Syrie depuis le début du conflit en 2011, selon le dernier bilan fourni le 1er avril. Parmi ces victimes, près de 52 000 sont des civils, et 7 985 sont des enfants. Selon l’ONU, le PIB a chuté de 45 % en raison de la crise, et la monnaie a perdu 80 % de sa valeur.
Voici l’interview complète, qui dure 10 minutes de plus qu’à l’antenne :
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