Lancé à Londres en mai 2017, le magazine Azeema s’attache à démonter les clichés sur les femmes moyen-orientales à coup d’interviews inspirées et de séries photo coup de poing. Les trois fondatrices nous racontent la genèse du projet.
La couverture du premier numéro du magazine Azeema, lancé en mai 2017 ? Une femme portant le hijab au volant d’une voiture, en référence à leur interdiction de conduire en Arabie Saoudite (levée quelques mois plus tard). Les thèmes évoqués dans le deuxième numéro, paru en décembre dernier ? L’amour de soi, la sexualité, la pression que peuvent vivre les enfants qui grandissent dans une famille d’immigrés, ou encore la difficulté de concilier origines et homosexualité.
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Lassées des représentations stéréotypées des femmes de couleur, en particulier des femmes moyen-orientales de confession musulmane, Jameela, Sunayah et Noor, toutes trois basées à Londres, rêvaient d’un magazine célébrant la beauté de la double-culture. Le résultat : une publication léchée – dont le nom signifie « force » en arabe – où les textes puissants côtoient des séries photo sublimant les femmes qu’elles immortalisent. Rencontre.
Jameela, Sunayah et Noor, vous composez l’équipe éditoriale d’Azeema. Pouvez-vous vous présenter ?
Jameela : J’ai 23 ans, je suis moitié Soudanaise et moitié Anglaise. Je suis la fondatrice d’Azeema. L’année dernière, j’ai obtenu mon diplôme en Communication et Promotion de Mode à Central Saint Martins, et je suis spécialisée dans l’image et la photo.
Sunayah : J’ai 24 ans et je suis d’origine pakistanaise. J’ai toujours été intéressée par l’industrie de la beauté : j’ai étudié les Sciences Cosmétiques à la London College of Fashion. Je suis rédactrice et community manager à Azeema.
Noor : Je suis une femme saoudienne de 23 ans. J’ai un master dans le domaine de la santé, mais j’ai toujours été passionnée de communication : j’adore les interviews que je fais en tant que rédactrice adjointe d’Azeema. J’ai grandi au Moyen-Orient, puis j’ai passé du temps au Japon avant d’arriver à Londres. En termes d’appartenance, je me suis toujours sentie comme si j’appartenais nulle part et partout. On parle de ce genre de sujets dans le magazine. C’est clairement le genre de publication que j’aurais rêvé avoir quand j’étais plus jeune.
Comment vous est venu le concept du magazine ?
Jameela : Azeema a d’abord été une idée folle que je gardais dans un coin de ma tête. C’était une idée qui me faisait peur mais je savais que je devais y donner suite. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de magazines pour les femmes moyen-orientales, maghrébines ou de couleur (elle fait référence aux acronymes MENA, Middle East/North Africa, et WOC, Women of Colour, ndlr) qui avaient un point de vue mode et culturel, explorant les thèmes de féminité et de résistance. Je voulais créer un magazine qui n’était pas qu’un joli livre de photos, mais qui avait un sens et de la profondeur. En tant que femme métisse avec un background musulman, concevoir un magazine versé dans la foi musulmane, la culture africaine et arabe était très important.
La couverture de votre premier numéro représente une femme au volant d’une voiture, portant le hijab. Pourquoi ce choix ?
La série photo « Borders » (« frontières ») a été spécialement réalisée en hommage aux femmes d’Arabie Saoudite qui n’ont pas le droit de conduire. Elle a été créée pour faire réagir et réfléchir sur cette situation, tout en étant un vecteur d’empowerment et visuellement frappant. L’interdiction en Arabie Saoudienne a désormais été levée, ce qui est incroyable et un grand pas dans la bonne direction !
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Comment choisissez-vous vos sujets ?
Choisir les bonnes personnes à interviewer et les bons sujets à couvrir peut parfois être assez difficile, donc on doit vraiment garder à l’esprit l’identité d’Azeema, à qui la publication se destine et ce que nous visons à faire. On essaie toujours d’inclure des personnes fortes, inspirantes et stimulantes dans le magazine, aux côtés de contenu écrit qui reflète tout ça. On veut que le magazine soit inclusif, et proposer quelque chose qui permette au plus grand nombre de s’identifier, que ce soit une image, une histoire, un poème…
Quelles ont été les réactions aux deux premiers numéros ? Qu’aimeriez-vous changer avec ce magazine ?
C’était incroyable ! On a eu de super bons retours aux deux premiers numéros, et nous sommes vraiment reconnaissantes de tous ces gens qui ont pris le temps de nous lire, de nous envoyer un mail ou un message sur les réseaux sociaux. On a reçu beaucoup de messages de jeunes filles nous disant à quel point elles étaient contentes d’avoir trouvé le magazine et comment ça les a aidées à construire leur identité – c’est une des raisons majeures pour lesquelles Azeema existe. Dans les médias, on lit toujours des articles qui donnent l’impression que les femmes de couleur, les femmes moyen-orientales ou maghrébines sont réprimées et ne peuvent pas agir librement pour des questions de religion ou de culture. On essaie de montrer aux gens une représentation authentique et moderne des femmes de couleur. On veut rappeler aux gens qu’on peut aussi être des femmes puissantes et badass.
Jameela, tu as confié dans une interview que le fait d’être une femme moyen-orientale est « une expérience conflictuelle et déroutante. » Peux-tu nous en dire plus ?
Je parlais de ma propre expérience. Cela a été, et peut parfois toujours être, une expérience conflictuelle et déroutante d’être issue de deux cultures très différentes – pour moi, je le précise. Je pense qu’en tant que jeune femme ça peut être très difficile. J’ai clairement eu du mal à construire ma propre identité et je pense qu’il y a d’autres jeunes femmes qui partagent la même expérience.
Retrouvez les deux numéros du magazine Azeema sur son e-shop.
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