Le Premier ministre a rejeté mardi les termes de « rigueur » ou d’ »austérité » pour qualifier la politique de « redressement » qu’il va conduire dans les prochaines années.
Jean-Marc Ayrault parlait depuis quarante minutes lorsqu’un député du groupe socialiste, Patrick Vignal (Hérault), a fait un malaise – sans gravité – dans l’hémicycle. Conduisant le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, un peu désemparé, à interrompre brièvement la séance et donc la déclaration de politique générale du Premier ministre. Immédiatement, les « twittos » du Front de gauche ont ironisé : « Ayrault annonce la rigueur, malaise à l’Assemblée ». Pourtant, le chef du gouvernement s’est employé pendant une heure et demie à revendiquer une politique « de redressement dans la justice », qui n’a, selon lui, rien à voir avec « la rigueur ou l’austérité ».
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« Je revendique le sérieux et la responsabilité budgétaires, je veux la justice fiscale, j’appelle à l’effort national mais je refuse l’austérité », a proclamé Jean-Marc Ayrault, qui avait préalablement pesé chaque terme de son discours avec François Hollande.
Le couple de l’exécutif est en effet confronté depuis quelques jours à une première dégradation de sa cote dans l’opinion, les Français manifestant leur inquiétude quant à la situation économique et sociale. L’annonce de coupes claires dans les effectifs de la fonction publique non sanctuarisés ou renforcés par le chef de l’Etat, c’est-à-dire hors Education, police et justice, et le gel prévisible des salaires des fonctionnaires ont nourri la grogne des syndicats.
Un appel à la mobilisation
Devant la nouvelle assemblée, où le PS détient à lui seul la majorité absolue, ce qui garantissait d’emblée à Jean-Marc Ayrault un vote de confiance confortable, le Premier ministre a souligné que ces mesures concernant la fonction publique ne constituaient pas « un tournant de la rigueur ». « J’ai lu ces derniers jours que le fait de réserver les créations d’emplois publics aux secteurs prioritaires devait s’interpréter comme un ‘tournant de la rigueur’. Je m’inscris en faux contre cette affirmation », a-t-il lancé, avant de rappeler que les effectifs de l’Etat « connaîtront une stabilité globale, alors que le précédent gouvernement les détruisait massivement ».
Les « efforts devront dépendre non pas d’une règle mathématique aveugle et absurde, mais de l’évaluation des politiques conduites, mission par mission, et de leur efficacité », a-t-il ajouté. Pour cet acte fondateur du quinquennat – la mise en musique des promesses électorales de François Hollande – Jean-Marc Ayrault a délibérément choisi de dramatiser tout en promettant que la situation s’améliorerait avant 2017. Il a appelé « le peuple français » à la « mobilisation » face à « une crise sans précédent », qui « menace notre modèle social et républicain ». « Mais il n’est pas trop tard pour agir et réussir », s’est-il exclamé.
« Les Français, a souligné Jean-Marc Ayrault, ne nous ont pas donné un mandat pour gouverner cent jours mais cinq ans, le redressement prendra du temps mais nous surmonterons la crise ».
« Le redressement prendra du temps »
« Deux phases se succèderont, la première sera celle des réformes de structure » et viendra ensuite le temps « de tirer les bénéfices de l’effort collectif », a-t-il précisé. « Le changement aura lieu dans la durée ».
Le chef du gouvernement a cité au rang des réformes prioritaires le chantier fiscal, le redressement productif, la décentralisation, la transition écologique et énergétique. Quand il a parlé budget et fiscalité, la caméra de l’Assemblée s’est longuement attardée sur son prédécesseur à Matignon, l’UMP François Fillon, qui prenait des notes dans un grand carnet, avec la mine sombre.
Si Jean-Marc Ayrault a précisé le calendrier de certaines réformes – l’introduction d’une part de proportionnelle pour les prochaines législatives, la fin du cumul des mandats en 2014, le droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples « au premier semestre 2013 » – il est resté plus flou sur l’octroi du droit de vote aux élections municipales des étrangers résidant en France depuis cinq ans au moins. Il a promis une lutte sans merci contre l’immigration régulière mais s’est engagé à ce « qu’aucune famille, aucun enfant ne soient placés en centre de rétention ».
A la fin de son discours – tandis que les députés UMP criaient « c’est pas encore fini ? » – Jean-Marc Ayrault s’est fait lyrique, rappelant avoir croisé maintes fois le regard de ses compatriotes pendant les longs mois de la campagne électorale. « J’ai souvent lu dans leurs yeux autant d’espoir que d’inquiétude (…) la crainte que derrière les promesses il y ait de nouvelles désillusions. Chaque fois, j’ai pris un engagement devant eux et c’est cet engagement que je veux renouveler devant vous. Oui, la situation de notre pays, comme celle de l’Europe, est préoccupante, le redressement prendra du temps, ce sera difficile mais nous réussirons ! » s’est-il enflammé.
Il s’est même payé le luxe de paraphraser le discours d’opposition à la guerre en Irak prononcé par Dominique de Villepin aux Nations unies le 14 février 2003 en déclarant : « La France est un vieux pays d’un vieux continent…. » Puis il a ajouté : « La France est plus qu’une histoire, elle est une idée de la condition humaine ». Jean-Marc Ayrault a achevé son propos par un clin d’œil à François Hollande : « aucune agence ne notera jamais notre rêve, le rêve français, car il ne relève que de votre confiance et de la confiance des Français ».
Sans surprise, les élus PS ont jugé le Premier ministre convaincant. Mais l’UMP Bruno Le Maire a ironisé sur « un discours-fleuve qui avait la force… d’un ruisseau ».
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