Après les aveux de Jérôme Cahuzac concernant la détention d’un compte à l’étranger, le gouvernement est monté au créneau pour essayer d’éteindre l’incendie. Et de ne pas brûler avec son ex-ministre.
Ce mardi, et après des semaines de dénégations, l’ex ministre du Budget a reconnu devant la justice avoir détenu un compte bancaire à l’étranger depuis une vingtaine d’années et ordonné que les 600 000 euros déposés sur ce compte soient rapatriés à Paris. Jérôme Cahuzac a ensuite confié sur son blog qu’il avait commis « une faute inqualifiable » et demandé pardon, « dévasté par le remords », dit-il. Il faut dire que le blanchiment de fraude fiscale est puni de 5 ans de prison et 375 000 euros d’amende…
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Les aveux de Jérôme Cahuzac, quelques minutes avant la fin des questions d’actualité au gouvernement à l’Assemblée et le début du bureau national du PS, ont provoqué un séisme dans la majorité et même l’ensemble de la classe politique. Jusque-là, Jérôme Cahuzac avait toujours affirmé son innocence, droit dans ses bottes, les yeux dans les yeux. A l’Assemblée nationale le 5 décembre 2012, puis face au Président, à la radio, à la télévision… Jusqu’à sa démission il y a quinze jours, ému aux larmes.
Dès lors, face à la reconnaissance par l’ex-ministre du Budget de la détention d’un compte à l’étranger et sa mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale et blanchiment de fonds, les politiques ont multiplié les communiqués pour faire part de leur désapprobation. Surtout ne pas être associés, par l’opinion publique, à leur ex-collègue !
Ne pas sombrer avec Cahuzac
« Floué », « stupéfait », « choqué », « écœuré », « trahi », « trompé », « révolte », « tristesse », « victime », « faute morale », ces mots ont tourné en boucle dans toutes les déclarations. Mais l’expression la plus utilisée par les hommes et femmes politiques était la suivante : « c’est aux Français qu’il faut faire des excuses ».
Une manière pour la majorité de ne pas sombrer avec Cahuzac, au moment où l’exécutif est au plus mal dans les sondages. Malgré l’intervention du chef de l’Etat la semaine dernière, sur France 2, les cotes de popularité de François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont reculé de six et trois points en un mois, tombant respectivement à 31 et 36%, le niveau le plus bas depuis mai 2012, selon le tableau de bord Ifop/Paris Match publié ce mardi. Soit juste avant les aveux de Jérôme Cahuzac. Et on a du mal à imaginer qu’une telle affaire n’ait aucun impact sur les cotes de popularité de l’exécutif.
François Hollande a réagi très rapidement par voie de communiqué, en prenant acte avec grande sévérité des aveux de Jérôme Cahuzac qui « a commis une impardonnable faute morale en niant les faits ». En privé, à l’Élysée, on a le sentiment d’avoir été trompé et on parle de « trahison ».
Le Premier ministre était l’invité du 20 heures de France 2. Il a révélé avoir appelé Jérôme Cahuzac pour lui signifier ce « mensonge » et cette « trahison ». Et d’insister : « Je ne savais rien » ; « bien sûr qu’on peut avoir des doutes, mais je n’avais aucune preuve pour prouver le contraire » ; « je n’avais aucune raison de ne pas croire » Cahuzac. Une manière surtout de ne pas avoir les mains liées… Le plateau avait été calé à la dernière minute alors que Jean-Marc Ayrault avait déjà réagi par communiqué, pointant une « vérité cruelle ». Mais voilà, il fallait montrer que le gouvernement ne fuyait pas la crise. Dès lors, les ministres invités ce mardi soir sur un plateau n’avaient donc pas déprogrammé leur participation.
« La fin de la gauche morale et donneuse de leçons »
Car face à la nouvelle, une pluie de communiqués de l’opposition appelant le Président et le Premier ministre à s’expliquer s’est abattue.
« Ce mensonge signe définitivement la fin de la gauche morale et donneuse de leçons », a écrit Jean-François Copé, président de l’UMP, selon qui « le Président de la République doit prendre ses responsabilités face à ce mensonge d’Etat et s’en expliquer lui-même devant les Français. »
Et de lancer le mot d’ordre de la crédibilité de l’ensemble du gouvernement repris par l’ensemble de l’opposition : « François Hollande nous annonçait une République exemplaire. Quel crédit accorder désormais à son équipe gouvernementale ? »
Pour le FN, le « président de la République et le gouvernement ne pouvaient ignorer le fond de cette affaire et ses conséquences prévisibles ». De son côté, l’ex-Président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a demandé des excuses à Jean-Marc Ayrault. Le Premier ministre s’y est refusé sur France 2.
Pour Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture et de la Communication, interrogée par BFMTV, c’est François Hollande qui a été « bafoué et trahi ». Et de glisser, « c’est quasiment un sujet de roman » tant les mensonges et dénégations sont, pour cette écrivaine, une intrigue toute trouvée. « Mais ça ne reste pas moins inacceptable », a repris la politique. « Les faits sont là, c’est intolérable dans une démocratie », a ajouté la ministre, appelant son ancien collègue « à quitter la vie politique ». D’ailleurs, les députés du groupe socialiste à l’Assemblée refusent qu’il revienne siéger à leurs côtés. Jean-Marc Ayrault a insisté en demandant à Jérôme Cahuzac « de ne plus exercer de responsabilités ». Un appel qui sonne comme une quasi unanimité.
Marion Mourgue
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